Dans sa volonté de réorganiser l’islam de France, le gouvernement a annoncé le développement des formations civiles et civiques destinées aux imams. Que pensez-vous de cette initiative, décidée dans le contexte post-attentats de janvier ?
Elle me semble très mal engagée, parce qu’elle repose sur un certain nombre de malentendus profonds et de présupposés mal assumés. D’abord, le principe de laïcité, que le gouvernement proclame sans cesse, interdit à l’Etat de s’immiscer dans l’organisation d’un culte. Ensuite, jusqu’à maintenant, le pouvoir français négociait cette organisation de l’islam en France dans le cadre du Conseil français du Culte musulman (CFCM) avec les autorités algériennes, marocaines et turques. C’est contradictoire, car si le but est de créer un « islam français », on ne peut pas passer par des pays étrangers qui nous envoient des imams conservateurs et nationaux alors que nous souhaitons des imams français et ouverts sur la société. Le troisième point problématique, c’est l’idée qu’on va former des imams modérés. Mais c’est quoi, un « imam modéré » ? Un « théologien modéré » ? Calvin était-il un modéré ? Bien sûr que non. Le gouvernement dit que c’est quelqu’un qui est contre le radicalisme, sous-entendu contre le djihadisme. Mais cela n’est pas un problème de formation d’imams, c’est un problème de prise de position politique ! S’il est légitime de demander aux imams de condamner le terrorisme et de respecter la légalité républicaine, il est absurde de chercher des imams ayant la « bonne théologie ». Un, l’Etat n’en a pas le droit. Et deux, ça ne sert à rien car il n’y a pas de rapport aussi direct entre théologie et radicalisme politique. L’Etat ne prétend toutefois pas s’occuper de théologie. Bien sûr, et en même temps, dans tous les projets de l’Etat, il y a l’idée implicite qu’on va les former au « bon islam », ou à l’« islam libéral ». Ce sont les mots employés. Ça signifie aussi que l’Etat va devoir soustraiter. Mais à qui ? La première tentative de formation des imams à l’Institut catholique de Paris n’a évidemment pas marché : un imam diplômé d’un institut catholique, ça ne fait pas sérieux, d’autant qu’ils étaient censés être formés à… la laïcité ! A quoi peuvent bien servir de tels diplômes en chocolat ? Le seul endroit où l’on pourrait véritablement penser une formation