L'Obs

Riad Sattouf

PAR RIAD SATTOUF, ALLARY, 160 P., 20,90 EUROS.

- ARNAUD GONZAGUE CLAIRE JULLIARD

Avant de devenir l’un des meilleurs dessinateu­rs de sa génération, Riad Sattouf (auteur des inénarrabl­es « Cahiers d’Esther » dans « l’Obs ») a été un petit garçon tout rond et d’une adorable blondeur. Il a passé une partie de son enfance dans un pays pour le coup pas blond du tout : la Syrie. C’était en e et celui de son père, ce père à la fois très attachant, vulnérable et quelquefoi­s fort bête qui – il est possible que l’auteur ne l’ait pas fait exprès – occupe tout l’espace dans sa série « l’Arabe du futur », éclipsant un peu les autres personnage­s. Ceux qui aiment l’univers drôle et cruel de Sattouf dans des albums comme « Pascal Brutal » (Fluide Glacial) ou « la Vie secrète des jeunes » (L’Associatio­n) découvriro­nt surtout avec intérêt d’où celui-ci provient. Sa fascinatio­n un peu terrifiée face à l’imbécillit­é du collectif n’existerait peut-être pas sans la Syrie, nation accablée de superstiti­ons où les cerveaux sont lavés par un antisémiti­sme obsessionn­el. Sa dérision face aux manifestat­ions de virilité n’aurait peutêtre pas éclos si son papa n’avait pas essuyé toutes les humiliatio­ns du patriarcat. Et qui sait même si son attachemen­t fétichiste aux pieds féminins se serait épanoui sans les beaux petons de sa cousine Leila ?

En 2001, Anne Brochet, la Roxane césarisée de « Cyrano », publiait son premier roman, « Si petites devant ta face ». Un livre mystérieux où s’exprimait déjà sa quête du divin. La comédienne publie un cinquième ouvrage maîtrisé, original, qui interroge de nouveau son rapport au sacré. Dans une première partie autobiogra­phique, l’auteur rouvre le porche de son éden enfantin, le moulin de ses grands-parents. Un lieu qui recèle tout le passé de sa famille. C’est un pan d’histoire de France qu’elle ressuscite à travers une tragédie rurale. Celle-ci oppose deux voisins, son aïeul René, Croix-de-Feu, et son voisin Georges, juif radical-socialiste. La guerre va les brouiller à vie. En 1944, un mur séparera les propriétés des anciens amis. Il est encore question de mur, celui des Lamentatio­ns cette fois, dans la seconde partie. Sylvia, l’héroïne, une comédienne au chômage, s’installe en Israël pour se convertir au judaïsme. Son histoire apparaît comme l’illustrati­on romanesque du syndrome de Jérusalem, trouble délirant qui saisit certains touristes dans la Ville sainte. Une fantaisie réussie, intrigante, autre variation sur le thème du paradis perdu.

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