L'Obs

N’a-t-il pas aussi fait l’erreur de croire qu’il pouvait obtenir moins d’austérité tout en restant dans l’euro ?

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refermé sur Tsipras. Son erreur, c’est de ne pas l’avoir compris à temps. Il pensait qu’en poussant les discussion­s le plus loin possible les Européens finiraient par se résoudre au compromis plutôt que de prendre le risque d’une rupture. Mais ils n’ont rien cédé, alors même que lui a perdu beaucoup : il a fait d’énormes concession­s, l’opinion publique s’est habituée à l’idée qu’un accord était possible, les caisses publiques sont vides. Je fais partie de la tendance, au sein de Syriza, qui pense depuis le début que vouloir concilier le rejet de l’austérité et le maintien dans la zone euro est contradict­oire. Or on a vu, dès que la Banque centrale européenne (BCE) a décidé en février de couper le principal moyen de financemen­t des banques grecques, que ce n’était pas possible. L’arme monétaire a servi de moyen de pression sur la Grèce afin de la forcer à renoncer à sa politique anti-austérité. Le dernier épisode de ce chantage, c’est lorsque l’Eurogroupe, en refusant de prolonger le programme actuel, a contraint Tsipras à fermer les banques cette semaine. Le but est politique : en prenant les Grecs en otage et en créant une situation de panique, notamment dans les classes moyennes et aisées, il s’agit soit de forcer le gouverneme­nt à ne pas aller jusqu’au référendum, soit de dicter les conditions de son déroulemen­t et de favoriser le camp du oui. L’Europe a déclaré la guerre à la Grèce.

La société grecque semble très divisée… Oui, deux tendances s’a rontent. Le camp du non s’appuie sur une partie de la population très a ectée par l’austérité, qui perçoit les exigences de la troïka comme une volonté d’humilier la Grèce. Mais le camp du oui, renforcé par la peur que suscite la fermeture des banques, est aussi en train de se structurer. Nul doute que ce référendum est un acte politique courageux. Les décisions importante­s sont toujours risquées. On avait fini par oublier au fil du temps que la politique s’est rapetissée en Europe. Quels sont les scénarios possibles à l’issue du référendum ? Une victoire du oui serait une défaite majeure pour Tsipras et le contraindr­ait sans doute à organiser de nouvelles élections. Mais une victoire du non renforcera­it sa déterminat­ion face aux institutio­ns européenne­s en lui donnant un mandat di érent de celui du 25 janvier : il s’agirait désormais de rompre avec l’austérité quelles qu’en soient les conséquenc­es – y compris si cela signifie sortir du cadre européen. Lorsqu’il a annoncé la tenue du référendum, c’était la première fois que le mot « euro » ne figurait pas dans son discours. Ce n’est pas un hasard.

Est-ce l’acte de décès de l’Europe ? Tout le déroulemen­t de la crise grecque signe la fin d’une certaine idée, ou plutôt d’une illusion entretenue au sujet de l’Europe. Son caractère antidémocr­atique qui ne respecte que la loi du plus fort, son néolibéral­isme qui méprise tout contrôle démocratiq­ue sont perceptibl­es par tous désormais. Tous ont pu se rendre compte que, même si Syriza n’a cherché qu’une rupture partielle avec les politiques d’austérité, une rupture modérée, pragmatiqu­e, et sans remettre en question les fondamenta­ux du cadre européen, l’a rontement a été ultraviole­nt. Simplement parce que ce gouverneme­nt n’était pas prêt à capituler face au diktat néolibéral. Même si l’Europe parvient à vaincre la résistance des Grecs, elle paiera, je crois, un prix très lourd pour son attitude. Car la Grèce n’est que la pointe avancée de la crise européenne : le projet communauta­ire est de moins en moins soutenu par les opinions publiques.

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