L'Obs

Vous avez écrit sur les Justes, fait une exposition, participé à leur panthéonis­ation (par Jacques Chirac en 2007). Ils sont à vos yeux l’emblème du « triomphe de la vie ». Que pouvons-nous faire, aujourd’hui, pour que les nouvelles génération­s prennent c

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certaineme­nt après que j’aurai quitté ce monde. En Israël, il existe une « poussière » de personnes, au sens le plus positif du terme, qui travaillen­t à la paix. Mon fils aîné oeuvre dans l’associatio­n Une Autre Voix, grâce à laquelle Juifs et Palestinie­ns, fatigués des violences au Proche-Orient, communique­nt par téléphone, et envisagent des solutions. Ma fille cadette a emmené, avec un groupe de femmes juives, des enfants palestinie­ns et leurs mamans à la plage. Vous imaginez ça ? Ils habitent à une vingtaine de kilomètres de la côte, mais la plupart d’entre eux n’ont jamais vu la mer. Que critiquez-vous dans la politique israélienn­e actuelle ? A la base de la politique sioniste, vous avez une mystique juive. Cette dernière a transformé la renaissanc­e de l’Etat d’Israël en une annonce messianiqu­e. On attend le surgisseme­nt d’un dirigeant, fils du roi David ou autre, censé devenir un modèle pour la totalité de l’humanité. Ces idées déresponsa­bilisent l’homme. Pour ma part, j’ai foi en un progrès qui serait réalisé par l’homme. La renaissanc­e d’Israël dépend d’une stabilité nationale et de relations saines avec les autres pays. Israël doit aussi se débarrasse­r de l’idée morbide d’une C’est très simple, il faut leur raconter la vérité. Dire que la Shoah se résume à l’histoire des meurtres perpétrés contre les juifs, c’est enseigner une histoire « mutilée ». C’est oublier les vies sauvées, ceux qui ont eu le courage de venir au secours des victimes, et qui ont changé l’Histoire : les Justes.

Ceux-là étaient comme vous et moi. N’allez pas imaginer qu’ils avaient une vie irréprocha­ble. Je me souviens, par exemple, d’une Polonaise, prostituée, qui avait divisé la commission dont je faisais partie. La profession de cette femme l’empêchait-elle de recevoir le titre de « Juste des nations » ? Malgré la réticence de certains, il n’était pas question de ne pas honorer l’action qu’elle avait accomplie. Car les Justes prenaient de grands risques à vouloir venir en aide aux juifs. En France, ils sont une vingtaine à avoir ainsi perdu la vie. Un chi re qui, s’il est dramatique, reste relativeme­nt modeste comparé à d’autres pays. En Ukraine, par exemple, les familles ayant caché des juifs étaient encore persécutée­s après la guerre. Des Ukrainiens s’étaient mis en tête que ces bienfaiteu­rs avaient récupéré l’or et les richesses des victimes, et venaient le leur réclamer. Certains se sont fait trancher la tête ; d’autres, avertis à temps, ont dû fuir. Vous pointez, à plusieurs reprises dans ce livre, une attitude de victimisat­ion du peuple juif. En quoi est-ce une erreur ? A les écouter, les juifs seraient les victimes du passé, du présent et de l’avenir. De nombreuses communauté­s de la diaspora, en France ou en Israël, nous le rappellent sans cesse. Nous serions aussi les victimes toutes désignées de l’Iran. Je pense au contraire qu’Obama et les dirigeants européens, comme Merkel et Hollande, travaillen­t à une pacificati­on avec l’Iran, et qu’Israël devrait coopérer avec ces pays. C’est en tout cas l’avis que je partage avec notre grand parti d’opposition, malheureus­ement minoritair­e. Nous traversons une période très di cile sur place, une sorte d’éclipse, mais qui finira par être surmontée. On me traitera d’optimiste béat. Ça ne me dérange pas.

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