L'Obs

En phase terminale

PAR ALAN TAYLOR. AVEC JAI COURTNEY, EMILIA CLARKE, ARNOLD SCHWARZENE­GGER (2H05).

- NICOLAS SCHALLER

Après « Jurassic Park » et en attendant « Point Break », « SOS Fantômes », on en passe et des pires, Hollywood qui, c’est bien connu, n’est jamais à court d’idées neuves, nous refait « Terminator ». Est-ce une suite, une préquelle, un reboot ? On ne sait plus et cela n’a guère d’importance, chacun de ces termes désignant, au fond, la même chose : la resucée d’un succès d’antan calibrée selon les canons actuels. « Terminator. Genisys » est un cas d’école, une parfaite illustrati­on de l’opportunis­me avec lequel Hollywood se plaît à saboter son patrimoine des années 1980-90. Et que dire du fait que le créateur de la saga, James Cameron en personne, en ait publiqueme­nt chanté les mérites ?

Le cinéaste a loué la fidélité du film à la mythologie qu’il a créée. En e et, le premier quart d’heure, plutôt réussi, fait fi des deux précédents et indignes opus (« Terminator 3. Le soulèvemen­t des machines » et « Terminator. Renaissanc­e »), et renoue, vingt-quatre ans après « Terminator 2. Le Jugement dernier », avec les racines de l’histoire. Pour tout saccager ensuite, jusqu’à rendre caduc le diptyque de Cameron. On ne se risquera pas à résumer l’intrigue, cela demanderai­t trop d’e orts, trop d’espace, et serait relativeme­nt vain. Schwarzy is back – il se frite même avec son double jeune – et c’est lui qui s’en sort le mieux : il n’a jamais été aussi crédible qu’en cyborg essayant maladroite­ment d’avoir l’air humain (ses sourires forcés, miridicule­s mi-flippants, sont un régal). Sa réplique destinée à devenir culte ? « Je suis vieux, pas obsolète. » Et bonne idée que d’avoir confié le rôle de Sarah Connor à Emilia Clarke (Daenerys dans « Game of Thrones »), qui partage un air de famille troublant avec Linda Hamilton, l’interprète initiale. Las, son personnage, comme tous les autres, croule sous les incohérenc­es d’un script qui se balade entre 2029, 1984, 1997 et 2017, en accumulant les twists abracadabr­antesques sans se soucier des paradoxes temporels ou de la moindre cohérence. Bien sûr, le cahier des charges du blockbuste­r est rempli : les e ets sont spéciaux, les scènes d’action, fréquentes, les (super-)héros, increvable­s. Tout est en toc, rien ne vit. C’est du cinéma de service marketing et d’ingénieurs en e ets numériques.

On ne comprend pas bézef à « Terminator. Genisys », mais on est sûr d’une chose : le scénario ne tient jamais la route. En soi, un vrai tour de force. A un moment, quelqu’un dans le film tente de faire le point sur ce qui se passe et se voit répondre : « On est là pour sauver le monde », et, satisfait, conclut : « Je m’en contentera­i. » A ce degré de cynisme, c’en est presque admirable.

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