Mankiewicz jubilatoire
CHAÎNES CONJUGALES, PAR JOSEPH L. MANKIEWICZ, COMÉDIE DRAMATIQUE AMÉRICAINE, AVEC JEANNE CRAIN, LINDA DARNELL, ANN SOTHERN, KIRK DOUGLAS (1949, 1H43).
Le premier triomphe personnel de Mankiewicz présente les caractéristiques qui composeront l’image de marque du cinéaste : construction en flash-back, voix o , ironie de la représentation des relations entre femmes et hommes, mise en scène superbement invisible. Trois amies apprennent que le mari de l’une d’elles s’apprête à la quitter pour une autre, Addie Ross; aucune ne peut joindre son mari, elles passent la journée à la campagne, chacune se demande si elle n’est pas l’épouse infortunée et se remémore les événements qui ont pu conduire à cette situation. La voix o est celle d’Addie Ross, que son insolence conduit parfois à interrompre les dialogues des autres personnages. Mankiewicz met à nu tous les artifices du récit pour faire du spectateur son complice et mieux le captiver. Satire du mariage et de la vie de province, à 23 kilomètres de New York, brillantissime variation sur le mensonge, le pouvoir et les limites du langage, « A Letter to Three Wives » (à l’origine les épouses étaient cinq, après l’intervention du producteur Darryl Zanuck, elles étaient trois) est un sommet d’intelligence, d’élégance… et de vacherie.