Au pas de course

Où l’on voit que la semaine est vite passée

Seysses. Haute-Garonne. Commune de 8000 habitants, une prison pour compléter. On oublie vite mais rappelez-vous : le mois d’août fut caniculaire. S’aérer en prison, pas facile pour le détenu. Au parloir, la copine de celui-ci a passé en douce ce qu’il lui avait demandé d’apporter. Une piscine gonflable, toute neuve, bien pliée comme ensuite on n’y arrivera jamais plus. Les gardiens l’ont découverte avant qu’il ait eu le temps de la mettre en eau. Quatorze jours de mitard. « Tu verras, tu seras bien au frais. » Heureux pour lui, afin de barboter dans sa piscine, qu’il n’ait pas demandé un burkini. C’était une amende en plus.

Le gars s’était fait casser la figure. Peutêtre aussi qu’il en avait cassé une. Transporté à l’hôpital où « le pronostic vital » n’était pas « engagé » et prié par la police de s’expliquer sur l’origine de ses blessures, il raconta que plusieurs types lui étaient tombés dessus et lui avaient arraché la croix qu’il portait au cou en le traitant d’ignorant. Aussitôt la presse d’information en continu de titrer, sans le moindre petit conditionnel : « Un jeune homme agressé à cause de sa croix chrétienne ». Bien légers, les confrères, car Dieu sait, si le gars avait tardé davantage à avouer qu’il avait menti, les conséquences que pouvait avoir une fausse nouvelle de ce calibre. Faut être sérieux, même derrière un ordinateur.

Ces deux hommes sont d’Afrique du Sud. Ils sont mariés ensemble et désiraient un enfant qui soit d’eux deux. Au procès de l’athlète sans jambes Oscar Pistorius, poursuivi pour meurtre mais qui était déjà célèbre pour avoir participé à des championnats du monde de sprint parmi les valides, ils rencontrèrent une femme qui se déclara disposée à porter cet enfant. On va voir que sans le savoir, ils allaient eux aussi devenir des candidats possibles pour le « Livre Guinness des records ». Des triplés en e et leur sont nés, qui se partagent l’ADN de leurs deux papas. C’est une première, la course est lancée, camarades !

On a posé des jambes métalliques au petit Anglais Reuben Harvey-Smith car on a dû l’amputer des siennes, suite à une erreur de diagnostic. Il fallait lui sauver la vie, même si bien sûr elle est gâchée. Du moins ne regrettera-t-il pas l’ancienne, il l’aura oubliée, il n’a que 3 ans. Pistorius pourra l’inspirer, amputé comme lui au niveau des genoux. Mais il ne faudra pas l’imiter et tuer ta compagne, hein, petit brigand. Ces jambes artificielles, sur les photos qu’on trouve sur internet, sont toutes maigres, les chaussures lui font de trop grands pieds. On les lui surélèvera, ces jambes, à mesure qu’il grandira et s’il veut gagner quelques centimètres quand il sera jeune homme, on pourra les lui ajouter pour lui faire plaisir. Avec un pantalon long, tout le monde n’y verra que du feu. Pour les pieds définitifs, il choisira lui-même sa pointure. Il ne la choisira pas pour les gants car il lui reste trois doigts d’origine, dont on ne l’a pas amputé et qui mèneront leur vie propre, il faudra leur ajuster les nouveaux doigts.

Tragique, n’est-ce pas ? Et aussi pour le médecin qui s’est trompé. Le tribunal est en train d’estimer les dommages, de peser les responsabilités. Au Vietnam, une femme est soignée, que la prison sans doute attend à sa sortie de l’hôpital. Elle a une main et un pied partiellement amputés, les chirurgiens n’ont pu les rétablir complètement après qu’elle est arrivée dans leur service, soi-disant après avoir été heurtée par un train. Les limiers de la police du Vietnam, qui sont fins comme ceux de partout, heureux hommes, ont découvert par la suite qu’il n’y avait pas de train dans cette histoire, puis ils ont établi que la dame s’était fait amputer par une complice rémunérée deux mille dollars US (c’est la principale monnaie du Vietnam), afin de toucher les indemnisations d’une assurance. Quelle mentalité capitaliste !

Fraîcheur, pour une fin de chronique consolante, de ce pauvre pêcheur philippin, qui dormit dix ans sous sa hutte auprès d’une perle fine de 36 kilogrammes, dont il se doutait bien qu’elle vaut des millions, mais il a préféré qu’elle lui porte bonheur.

Les chaussures lui font de trop grands pieds.