Le dandy et les terroristes
NOCTURAMA, PAR BERTRAND BONELLO. DRAME FRANÇAIS, AVEC FINNEGAN OLDFIELD, VINCENT ROTTIERS, HAMZA MEZIANI (2H10).
Ecrit avant la tuerie de « Charlie Hebdo », « Nocturama » n’entretient avec les tragédies de ces derniers mois qu’une relation de circonstance. Mais les circonstances, précisément, modifient le regard porté sur ce film qui met en scène des jeunes gens d’origines et de milieux divers, qui commettent simultanément une série d’attentats: explosion de voitures place de la Bourse, assassinat du responsable d’une grande banque, attaque à la Défense, avant de se replier dans un grand magasin parisien bientôt encerclé par les forces de l’ordre, qui au petit matin les abattront les uns après les autres. Qui sont ces terroristes ? Celui qui se présente comme étudiant à Sciences-Po suggère qu’après sa mort il faudra pratiquer une autopsie pour savoir s’il ne souffrait pas de troubles mentaux (est-ce de l’humour ? on ne sait pas). Pour les autres, c’est aussi brumeux. Un seul fait allusion à la religion, tous semblent s’opposer confusément à une société de consommation dont ils jouissent une dernière fois dans l’immense magasin que la nuit transforme en libre-service gratuit et dont ils ouvrent les portes à un couple de clochards, qui seront exécutés eux aussi. Le décor permet à Bonello de faire preuve d’une certaine virtuosité, mise au service de ce qui s’apparente à une installation livrant sur le terrorisme le point de vue du dandy. La seule intention sans équivoque est la contestation de la répression exercée par les hommes armés qui exécutent froidement les membres du commando. Le plus jeune, qui sera le dernier tué, murmure : « Aidez-moi, aidez-moi… ». Mais comment aider des gens dont les 2h10 de film ont donné si peu à connaître ? A cet instant, « Nocturama » augmente le malaise qu’il suscite.