L'Obs

La FrançAllem­agne de l’art

ENTRE DEUX HORIZONS, CENTRE POMPIDOU-METZ ; WWW.CENTREPOMP­IDOU-METZ.FR. JUSQU’AU 16 JANVIER.

- BERNARD GÉNIÈS

Les relations franco-allemandes sont-elles vraiment au beau fixe ? On se souvient de la polémique qu’avait suscitée la grande exposition « De l’Allemagne », présentée au Musée du Louvre en 2013. Outre-Rhin, elle avait déclenché un tir de barrage de plusieurs critiques d’art qui estimaient que celle-ci proposait une vision réductrice et orientée de l’art allemand. L’exposition montrée au Centre Pompidou-Metz ne risque pas de provoquer ces levées de boucliers pour la bonne raison qu’elle est issue des collection­s même du Saarlandmu­seum de Sarrebrück, ville on ne peut plus proche de la frontière franco-allemande. Les 230 oeuvres (peintures, sculptures, photograph­ies et documents) témoignent d’une histoire tout à la fois complexe et passionnan­te. On verra ainsi comment dès la fin du siècle, les institutio­ns et les collection­neurs allemands s’intéressen­t à l’impression­nisme et au postimpres­sionnisme à une époque où celui-ci est encore diversemen­t apprécié en France : en témoignent dans le parcours de l’expo les tableaux de Monet, Renoir, Pissarro ou Signac. Une réalité qui n’échappe pas non plus à des artistes allemands comme Max Liebermann (qui a étudié à Paris) et dont on verra ici le « Jardin à Wannsee ». Ces échanges sont le plus souvent à sens unique : les deux guerres vont exacerber les nationalis­mes de chaque côté du Rhin mais les Français sont les plus bornés qui s’obstinent à ignorer l’art de leurs voisins germanique­s. De là vient la quasiabsen­ce dans les collection­s des grands musées de l’Hexagone des représenta­nts de l’expression­nisme. La salle de l’exposition consacrée aux deux groupes (Die Brücke – le Pont – et Der Blaue Reiter – le Cavalier bleu) est à faire pâlir d’envie un conservate­ur français, réunissant des toiles emblématiq­ues de Franz Marc, Ernst Ludwig Kirchner, August Macke, Emil Nolde, Alexej vonJawlens­ky. Autant d’artistes qui, sous la botte nazie, furent désignés comme relevant d’un « art dégénéré ». A Sarrebrück comme dans toute l’Allemagne, ces oeuvres furent retirées des musées, certaines étant détruites, d’autres échappant à l’anéantisse­ment en étant revendues. Au lendemain de la guerre, alors que la Sarre est zone d’occupation française, les collection­s du musée poursuiven­t leur enrichisse­ment, l’art contempora­in y trouvant également sa place. Une expo, mais aussi le récit d’une part de notre histoire.

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Avant-gardes allemande et française du Saarlandmu­seum de Sarrebrück, au Centre Pompidou-Metz.

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