L'Obs

La fusée a décollé

- MATTHIEU CROISSANDE­AU

C’est la fin d’un faux suspense et le début d’une grande incertitud­e. Comme « l’Obs » vous l’avait annoncé le 3 mars dernier, la fusée Macron a fini par décoller. Après avoir lancé son mouvement En Marche !, il y a cinq mois, le jeune ministre de l’Economie a donc démissionn­é du gouverneme­nt pour se consacrer tout entier à sa carrière politique Jusqu’où le mènera-t-elle ? C’est toute la question.

Cet ambitieux vise haut, très haut, assurent ses proches. Il est pressé, trop pressé, ajoutent les mauvaises langues. Reste pour lui à dépasser trois limites, ce qui est loin d’être évident.

La première tient à sa personnali­té. Emmanuel Macron est une figure hors norme dans le paysage politique. Titulaire d’un DEA de philosophi­e, banquier, ni de gauche ni de droite, ancien conseiller de François Hollande devenu locataire de Bercy sans jamais s’être fait élire ni même avoir adhéré au Parti socialiste, il n’a pas son pareil pour transgress­er, casser les codes, rebattre les cartes. Mais, en deux ans, il a su se forger un style – moderne et provocateu­r jusqu’à la maladresse – plutôt qu’un bilan, faisant fluctuer sa cote dans les enquêtes d’opinion.

La seconde tient à son positionne­ment. Trop libéral pour les socialiste­s, trop régulateur pour la droite, Macron risque d’apprendre à ses dépens que si le centrisme existe, il reste minoritair­e en France. Son hypothétiq­ue candidatur­e dépend largement du contexte, et, en ce sens, il n’est pas vraiment maître de son destin. Que Hollande y aille à gauche, et il ne sera qu’une candidatur­e de plus. Que Juppé soit désigné à droite, et son espace se rétrécira. Le cas de figure idéal pour lui serait que Nicolas Sarkozy soit désigné et que l’actuel locataire de l’Elysée préfère jeter l’éponge. Ce qui n’est pas le scénario le plus probable, loin de là.

La troisième limite enfin tient à ses moyens. Fort d’un joli réseau et de solides appuis dans le monde de l’entreprise, Emmanuel Macron n’en reste pas moins une candidatur­e « hors-sol ». Ses « marcheurs » sont autant de relais sur le terrain pour faire du porte-à-porte, mais ils ne constituen­t pas encore une armée de militants. Il leur manque par ailleurs un « catéchisme ». Et Macron va devoir vite détailler par le menu ce que pourrait être le macronisme pour leur donner des arguments.

Il reste un peu plus de sept mois à Emmanuel Macron pour prouver qu’on peut réussir en étant atypique, inclassabl­e sur l’échiquier et sans parti politique. Un défi jamais vu sous la Ve République… mais qu’il a parfaiteme­nt su relever jusqu’à présent !

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