L'Obs

LA MODE POUR TOUS

par Sophie Fontanel

- par SOPHIE FONTANEL

Votre serviteuse écrit en totale partialité, car elle a bien connu Sonia Rykiel. Mais au moins, grâce à ce point, cette chronique di érera de ce que, rituelleme­nt, on écrit lorsqu’une personnali­té disparaît.

D’abord, je suis convaincue que Sonia Rykiel, loin d’avoir disparu, a amorcé au contraire, par sa mort, son apparition. Et c’est tant mieux. Elle n’a pas fini de nous surprendre. Cela lui aurait plu, elle qui adorait le mystère. Elle rêvait même de devenir « professeur de mystère » pour les amies de sa fille, Nathalie.

Mais regardons ça dans l’ordre. Notre société a bien du mal à accorder aux femmes les pleins pouvoirs, or c’était justement ceux-là que Sonia, dans une toute petite boutique parisienne, dans les années 1960, avait pris. Elle s’était arrogé le statut de créatrice, la gueule enfarinée, comme qui dirait, en n’en faisant qu’à sa tête et à son corps. Elle a eu bien raison.

Elle serait aussi révérée que Coco Chanel si elle n’avait pas eu, par ailleurs, une incommensu­rable désinvoltu­re. L’ascension sociale importait peu à Sonia. Seuls comptaient le bonheur, les plaisirs et le divin confort. Comme Coco Chanel, elle n’aimait pas les entraves, et comme Coco Chanel, elle les a tout bonne- ment supprimées des vêtements. Certes, la (sublime) légende de Coco étant ce qu’elle est, Sonia ne peut pas lui être comparée totalement. Et pourtant, on verra sans doute, avec les années, que le style Rykiel est lui aussi indestruct­ible. Déjà, ces derniers temps, reviennent les habits en éponge, les joggings velours, les pulls chaussette­s. Toutes ces choses apportées par Sonia.

On dit aussi que les plus grands, en mode, sont ceux qui créent une allure facilement imitable. Chanel revendique ça dans des verbatim fameux, dont « il n’y a pas de mode si elle ne descend pas dans la rue ». Audrey Hepburn, elle aussi, interviewé­e un an avant sa mort, a rme que son titre de gloire, c’est d’être copiable: « Tout le monde peut être Audrey Hepburn. Il su t de se coi er comme moi, de mettre un petit pull noir et des lunettes noires. »

Sonia est de cette veine. En inventant quoi se mettre sur le dos, en s’inventant d’ailleurs, elle a créé un monde, presque un genre : la femme à l’aise mais sophistiqu­ée quand même.

Elle plaidait que le reste vient de quelque subtilité dans le regard, dans la voix et dans les gestes. Et que c'était ça, le début du mystère. L’érotisme. Après les vêtements, mais grâce à eux. Elle savait, en somme.

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