L'Obs

Le monde des livres

LA PASSION DES ÉCRIVAINS, PAR JOSYANE SAVIGNEAU, GALLIMARD, 270 P., 21 EUROS.

- DIDIER JACOB

Pour avoir dirigé « le Monde des livres » de 1991 à 2005 (un pontificat !), Josyane Savigneau ne s’est pas fait que des amis. Elle fut redoutée, jalousée, contestée parfois. Si elle a, de fait, pu tailler en pièces certains livres de belle manière, le recueil des meilleurs portraits qu’elle a publiés dans « le Monde », qui paraît aujourd’hui, atteste pourtant l’étendue de sa curiosité, de la finesse de ses approches, et de son envie d’aimer. Même Michel Déon, le hussard irlandais qu’elle alla débusquer en 2006 dans son cottage de Galway, bien que l’auteur du « Taxi mauve » fût loin de partager sa philosophi­e politique (gauche tendance éclairée). Au fil des ans, Josyane Savigneau enrichit sa collection de nouvelles têtes bien faites : Robert Sabatier, Régine Deforges, Doris Lessing. Les femmes qui écrivent n’ont-elles pas sa préférence ? Comme elle évoque joliment Patricia Highsmith, par exemple, rencontrée en 1983 dans sa modeste maison d’Aurigeno en Suisse ! Josyane Savigneau décrit à merveille la silhouette « anguleuse » et les mains « puissantes » de la discrète et terrifiant­e Patricia. Participen­t aussi au défilé Ernst Beyeler, célèbre marchand d’art, Edwige Feuillère, Edmonde Charles-Roux, Françoise Giroud, mais aussi William Styron, Salman Rushdie, Pierre Bergé, Simone de Beauvoir, rencontrée chez elle, rue Schoelcher, en 1985. Et Sagan, bien sûr, qu’elle avait croisée chez Juliette Gréco en 1970, et qu’elle retrouve en 1984, dans son appartemen­t de la rue du Cherche-Midi. « Vous savez, je ne bafouille pas, contrairem­ent à ce qu’on dit, lui lance l’auteur de “Bonjour tristesse”. Je parle trop vite. » Pas un mot, en revanche, sur son vieil ami Philip Roth, qu’elle a pris l’habitude de visiter tous les ans – il est vrai qu’elle lui avait, il y a deux ans, consacré un livre. Un portrait de Martin Amis clôt cette promenade en littératur­e, ainsi qu’une évocation de l’impression­nante Joyce Carol Oates, interrogée sur une possible retraite. Et la romancière de répondre que, comme Marguerite Yourcenar, elle écrirait, belle manière de conclure, « jusqu’à ce que le stylo tombe des mains ».

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