Van Gogh, dernier amour
Marguerite Gachet avait 19 ans lorsque le peintre l’a rencontrée, peinte et aimée à Auvers-sur-Oise. A son tour, Jean-Michel Guenassia la dessine
LA VALSE DES ARBRES ET DU CIEL, PAR JEAN-MICHEL GUENASSIA, ALBIN MICHEL, 300 P., 19,50 EUROS.
Après avoir mis en scène Sartre et Kessel (« le Club des incorrigibles optimistes ») ou Che Guevara (« la Vie rêvée d’Ernesto G. »), JeanMichel Guenassia creuse le sillon de la fiction biographique qui a fait son succès. Il s’intéresse ici à Van Gogh, dont la mort étrange a donné lieu aux spéculations les plus diverses. L’écrivain développe une vision surprenante de sa dernière période, celle qui inspira le cinéaste Maurice Pialat. Au mois de mai 1890, au sortir de l’asile de SaintRémy-de-Provence, Vincent, sur la recommandation de Pissarro, est accueilli à Auvers-sur-Oise par le Dr Gachet. Le temps d’un ultime été, il fait vibrer un art à son sommet. Il peint Marguerite Gachet, la fille de son hôte, alors âgée de 19 ans.
A partir de ces faits avérés, Guenassia imagine une histoire d’amour qu’attestent certains témoignages, mais dont il n’existe aucune preuve. C’est l’occasion pour l’écrivain de s’insurger, à travers son héroïne, contre les pesanteurs d’une époque. Cent ans après la Révolution française, les femmes demeurent des citoyennes de second rang. Au mépris de l’opinion commune, Marguerite s’est présentée au baccalauréat. Elle souhaite même intégrer les Beaux-Arts, mais l’école est interdite aux filles. Elle demande à Vincent d’être son élève, ce qu’il refuse, se jugeant mauvais professeur. Il ne résiste pas cependant aux avances de la jouvencelle. Une idylle passionnée s’ensuit. Marguerite et Vincent connaissent des jours insouciants et libres, jusqu’au moment où la réalité reprend ses droits. Au portrait solaire de l’artiste et de sa jeune amante s’oppose celui, inquiétant, du mécène. D’ordinaire présenté comme l’ami et le protecteur des impressionnistes, le Dr Gachet s’avère un collectionneur cupide et calculateur. Quant à Vincent, l’auteur récuse sa légende noire et démonte la thèse du suicide. Van Gogh n’est pas un fou incompris, il ne cherche pas à être riche ni célèbre, ce qu’il veut, c’est pouvoir peindre à sa guise. A Auvers, il vit dans un état de plénitude créatrice. C’est l’apothéose artistique et amoureuse du génie, que Guenassia raconte dans ce roman aérien, ode à la vie rêvée.