L’appel des Européens
c omme le Brexit, la victoire de Donald Trump nous a une nouvelle fois surpris. Nous étions majoritairement convaincus qu’une approche raisonnable du débat politique allait prévaloir sur un discours populiste.
Or, les ressorts du Brexit et de la victoire de Donald Trump, comme ceux qui sont en train de miner nos démocraties européennes, sont en grande partie les mêmes : renforcement des inégalités, ascenseur social en panne, peur d’une perte d’identité démultipliée par la peur de l’immigration de masse, négligence de la question sociale, système éducatif et culturel déficient, défiance à l’égard d’élites obsédées par leurs intérêts personnels et d’institutions publiques perçues comme coûteuses et inefficaces.
Dans les deux cas, les conséquences pour les Européens et le monde sont majeures. Au risque de désintégration de l’Union européenne entraîné par le Brexit s’ajoutent les risques d’un découplage accru entre les Etats-Unis et l’UE, de la fin du monde de l’après-guerre fondé sur le multilatéralisme et le leadership bienveillant des Etats-Unis. Le président élu a été clair : les Européens doivent prendre en charge politiquement et financièrement leur sécurité. Il ne fait là qu’accélérer une dynamique en oeuvre depuis la chute du mur de Berlin il y a vingt-six ans. Enfin, la victoire de Trump comme le Brexit réjouissent les populistes du Vieux Continent alors que des rendez-vous électoraux ou référendaires majeurs se tiendront dans les mois qui viennent en Autriche, en Italie, aux Pays-Bas, en France ou encore en Allemagne. Partout les partis modérés sont menacés. Il y a donc urgence à agir.
Si nous, Européens, ne tirons pas rapidement les enseignements de ces événements, l’effondrement de l’Union et la marginalisation de nos intérêts et de nos valeurs dans un monde où nous ne représenterons bientôt plus que 5% de la population et où aucun Etat du continent ne fera partie du G7 deviennent plus que probables. Nous n’aurons alors plus les moyens de nous faire entendre, ni d’assurer notre sécurité alors que les menaces se multiplient à toutes nos frontières. Nos intérêts économiques et commerciaux – ceux de la première puissance exportatrice mondiale – seront de plus en plus difficiles à défendre alors que la tentation protectionniste revient partout en force. Notre vision d’un développement durable de la planète restera lettre morte. Nos modèles sociaux fondés sur la redistribution et des services publics puissants ne seront plus finançables. Aucun de nos Etats n’a le moyen d’apporter seul des solutions adaptées à ces défis.
Plus que jamais, l’urgence est donc de se donner les moyens de réconcilier nos concitoyens avec le projet européen et d’inventer l’Europe du futur. C’est cette conviction que porte le Mouvement du 9 mai, lancé par des citoyens et personnalités de tous horizons. Nous avons ainsi proposé aux dirigeants de l’Union une feuille de route ambitieuse et pragmatique visant à protéger nos concitoyens, à améliorer concrètement leur vie, à réduire les inégalités et à promouvoir une croissance intelligente et équitable favorisant l’innovation et les emplois d’avenir.
Parmi nos propositions emblématiques : la création d’un Erasmus des collégiens, une recherche commune en matière de défense, un doublement immédiat du plan d’investissement dit Juncker, des listes transnationales pour les prochaines élections européennes.
Mais aujourd’hui plus d’ambition est nécessaire, le moment est venu de se doter d’une véritable politique étrangère et de défense européenne. Il est temps que l’Union européenne s’assume comme une puissance politique et se ressaisisse pour pouvoir peser avec un véritable impact sur le destin démocratique, culturel, social, économique et écologique de l’humanité. Le sommet européen qui se tiendra dans la capitale italienne le 25 mars prochain à l’occasion du 60e anniversaire du traité de Rome doit être l’occasion de renforcer la démocratie en Europe en développant des modalités de démocratie délibérative qui permettent effectivement aux citoyens d’inventer les droits et libertés du xxie siècle. Sans ce nouvel élan politique, les démons populistes qui ont déjà conduit à notre quasianéantissement vaincront. L’histoire varie dans ses formes, mais le résultat serait tout aussi désastreux.
Ce sursaut ne sera possible que si les dizaines de millions de citoyens qui partagent notre ambition se mobilisent pour donner un futur à notre continent. C’est pourquoi nous créerons en janvier prochain une plateforme civique fédérative et avons lancé partout en Europe des conventions civiques pour faire entendre collectivement notre voix.
Nous invitons tous ceux qui veulent transformer l’Europe à nous rejoindre.