Une garde rapprochée qui rassure Israël
Alors que les relations entre Benyamin Netanyahou et Barack Obama étaient exécrables, l’Etat hébreu mise beaucoup sur les positions très pro-israéliennes des proches du futur président
benyamin Netanyahou a pris un peu d’avance sur ses confrères chefs d’Etat : il est le seul à pouvoir se vanter de connaître déjà le nouveau président américain. La rencontre entre les deux hommes avait eu lieu en septembre dernier à New York, en marge de l’assemblée générale des Nations unies. Pour le Premier ministre israélien, il s’agissait alors de ne pas insulter l’avenir et de jauger celui qui deviendrait peut-être un jour son principal interlocuteur. Quant à Donald Trump, il se pliait au rite imposé à tout candidat à la Maison-Blanche : afficher son soutien à l’Etat hébreu. A tout prendre, « Bibi » Netanyahou aurait sans doute préféré la victoire de l’un de ses amis républicains issus du sérail ou même de Hillary Clinton qu’il connaît par coeur. Mais, à Jérusalem, on a rapidement fait ses comptes : la victoire surprise du milliardaire pourrait bien être, au moins dans un premier temps, une excellente nouvelle pour le gouvernement israélien.
Il est vrai qu’en dix ans d’exercice du pouvoir le Premier ministre a joué de malchance, obligé de composer avec des présidents démocrates, Bill Clinton et Barack Obama, peu disposés à soutenir unilatéralement sa politique. Avec ce dernier, les relations personnelles étaient même exécrables. Rien de tel avec Donald Trump dont le style sans nuances correspond assez bien à la houtspa (le sans-gêne) israélienne. Mais c’est surtout la composition de sa garde rapprochée qui réjouit les responsables de l’Etat hébreu : du vice-président Mike Pence en passant par Newt Gingrich et James Bolton, possibles secrétaires d’Etat, ou Rudolph Giuliani, tous sont des pro-israéliens convaincus. « Il est certain que l’ambiance va changer du tout au tout à la Maison-Blanche », estime Eytan Gilboa, qui enseigne les relations israéloaméricaines à l’université Bar Ilan.
Dès le lendemain de la victoire du républicain, les conseillers de Donald Trump sur la question israélienne, Jason Greenblatt et David Friedman, ont d’ailleurs multiplié les interventions dans les médias locaux pour expliquer que les colonies ne sont pas un obstacle à la création d’un Etat
palestinien. Ils ont également réaffirmé la promesse réitérée à plusieurs reprises par le candidat Trump de transférer l’ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem. Un son de cloche nouveau dont a immédiatement profité la droite religieuse pour demander la construction de nouvelles implantations juives. Il n’est cependant pas sûr que ce brouillage soudain des cartes réjouisse Benyamin Netanyahou. Sur le plan intérieur, la pression exercée par Washington lui permettait en effet de justifier auprès des durs de son gouvernement sa stratégie du statu quo sur la question palestinienne : pas d’Etat palestinien mais également pas d’extension de la colonisation.
“UN GARS PAS TRADITIONNEL”
Mais ce sont surtout les promesses de Donald Trump de retour à une politique isolationniste qui sont analysées de près à Jérusalem, alors que la Russie semble s’implanter durablement en Syrie. « L’implication américaine au Moyen-Orient est un pilier de notre stratégie », rappelle Eran Lerman, l’ancien directeur adjoint du Conseil national de Sécurité israélien. Quant à son engagement de revenir sur l’accord avec l’Iran, principale pomme de discorde avec la précédente administration, l’Etat hébreu en a officieusement fait son deuil, conscient qu’un retour en arrière sera difficile. « Ils [les Américains] seront sans doute plus sévères en cas de manquement de Téhéran », espère Eran Lerman.
Au printemps dernier, en pleine campagne des primaires républicaines, interrogé pour savoir si en cas de victoire il sacrifierait à la traditionnelle visite officielle d’un président américain dans l’Etat hébreu, Donald Trump s’était contenté d’une réponse ambiguë : « Je ne suis pas un gars traditionnel. » Cette imprévisibilité élevée en ligne de conduite a d’ailleurs fait l’objet d’un document interne au ministère des Affaires étrangères israélien, révélé par le journal « Haaretz », qui souligne le manque de doctrine clairement identifiable du président élu en matière de relations internationales. Et s’il y a bien une chose dont la diplomatie a horreur, c’est l’incertitude.