L'Obs

Depardieu rappeur

TOUR DE FRANCE, PAR RACHID DJAÏDANI. COMÉDIE DRAMATIQUE FRANÇAISE, AVEC GÉRARD DEPARDIEU, SADEK, LOUISE GRINBERG (1H35).

- PASCAL MÉRIGEAU

C’est entendu, Gérard Depardieu a tout fait. Dans la vie, probableme­nt, et à l’écran, assurément : on peut désormais l’affirmer puisque, dans « Tour de France », le deuxième film de Rachid Djaïdani, le lascar fait du rap. Et si Serge Desmoulins, peintre du dimanche, s’essaie à la chose, dont il affirme que « même un marteau piqueur casse moins les oreilles », c’est pour s’en moquer. Ce sont d’ailleurs les paroles de « la Marseillai­se » qu’il reprend, lui pour qui le rap n’est jamais que « yo yo, bang bang, suce mon zob ». Et s’il se trémousse ainsi, autant que sa carcasse le lui permet et son souffle l’y autorise, c’est grâce à son fils. Ce producteur de musique auquel il ne parle plus depuis qu’il s’est converti à l’islam et a pris le nom de Bilal a trouvé à son père un chauffeur qui est un de ses poulains : le rappeur Far’Hook (Sadek), qu’une altercatio­n avec un rival (« Sur ma vie, je vais te fumer ! » a promis le méchant) contraint à s’éclipser les deux semaines qui précèdent un concert à Marseille. Serge, qui a promis à sa défunte épouse de reproduire les paysages portuaires de Claude Joseph Vernet (1714-1789), embarque donc à bord de son camion, piloté par Far’Hook. Le périple les conduit de Dieppe à Marseille, avec escales à La Rochelle et à Sète. Rencontre hautement improbable entre le bon gros Français amateur des chansons de Serge Lama et le jeune encasquett­é d’origine kabyle, qui voit dans les fromages dont se régale son compagnon « de la merde d’alien ». Un jour, le ton monte entre eux. Serge fait valoir à Far’Hook que s’il déteste les jeunes, c’est que, comme eux, il est un laissé-pour-compte. Il a jadis incendié l’usine qui l’employait et l’a jeté sans ménagement. Voilà qui valait d’être dit, sans doute. Le mérite premier du film réside dans la bienveilla­nce du regard porté sur les personnage­s. Tout se passe en douceur. Serge Desmoulins et Far’Hook (qui ne donne jamais de selfies, cela suffit à le rendre sympathiqu­e) sont l’un et l’autre de braves garçons englués dans un monde où ils n’ont pas leur place, ou pas trop. A ce jeu-là, la complicité qu’ont nouée Depardieu et Sadek (photo) est essentiell­e. Elle permet de passer sur certaines facilités et quelques passages trop prévisible­s.

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