L'Obs

Ils ont peint l’impossible

HODLER, MONET, MUNCH. JUSQU’AU 22 JANVIER, MUSÉE MARMOTTAN, PARIS-16E. RENS. : WWW.MARMOTTAN.FR. CATALOGUE DE L’EXPO, MUSÉE MARMOTTAN/HAZAN, 176 P., 29 EUROS.

- BERNARD GÉNIÈS

Comment peindre l’eau ? Comment saisir ses mouvements furtifs et ses éclats lumineux ? En 1890, alors qu’il s’échine à peindre « de l’eau avec de l’herbe qui ondule dans le fond », Monet écrit à son ami Gustave Geffroy : « C’est à rendre fou de vouloir faire ça. » Dépité, il note que ce sont là « des choses impossible­s à faire ». On connaît la suite. Loin de renoncer, Monet n’a cessé de repousser les frontières de la peinture. Il n’est donc pas étonnant de le retrouver dans cette exposition inédite. Elle réunit en effet trois artistes, Monet, Munch et Hodler qui, bien qu’ayant travaillé pour une part à la même époque (ici, le début du xxe siècle), ne se sont jamais rencontrés. De même, leurs styles diffèrent, entre impression­nisme, symbolisme et expression­nisme. L’accrochage de l’exposition, conçue par Philippe Dagen, évite d’ailleurs les confrontat­ions. Elle s’organise plutôt autour de « voisinages », la part la plus belle étant faite aux ensembles propres à chaque artiste. Ces derniers ont cependant un point commun : ils ont tous élaboré des séries, explorant des thèmes liés à des décors ou des scènes. Mais leurs approches sont opposées. Un exemple : en 1895, Monet se rend en Norvège, le pays natal d’Evard Munch. Les deux tableaux que l’on peut voir ici sont des paysages ruraux, hantés par de maigres bâtiments : Monet s’attache à peindre – avec minutie – les reflets nacrés ou bleutés de la neige par petites touches. De son côté, quand Munch peint – avec vigueur – cette même neige, sa blancheur n’est qu’un écran sur lequel les personnage­s viennent illuminer la compositio­n (comme dans « l’Homme à la luge » et « Hommes noir et jaune dans la neige »). Autre figure : quand Monet peint son célèbre « Impression soleil levant », les lueurs de l’astre solaire sont masquées par le voile des nuages, tandis que chez Munch le « Soleil » semble une boule de feu incandesce­nte dont les rayons jaune, vert, orange, ocre explosent littéralem­ent sur la toile. Face à l’adversité, Monet, Munch et Hodler (dont on verra ici une magnifique série de « Lac Léman ») s’obstinent donc, non sans ingénuité parfois. Cette stimulante exposition invite par conséquent le visiteur à établir ses propres rapprochem­ents. Car ici, on l’aura compris, rien n’est impossible.

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« La Barque », Claude Monet, 1887.

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