La double vie de Beatriz
SI RUDE SOIT LE DÉBUT, PAR JAVIER MARÍAS, TRADUIT DE L’ESPAGNOL PAR MARIE-ODILE FORTIER-MASEK, GALLIMARD, 580 P., 25 EUROS.
Madrid, les années 1980. Pourquoi Eduardo Muriel, cinéaste de renommée internationale, est-il si désagréable avec sa femme, la belle Beatriz Noguera, qu’il ne cesse d’humilier, de maudire, d’insulter ? Que lui a-t-elle donc fait, qu’il ne cesse de lui reprocher ? Témoin de leurs rapports conflictuels, le secrétaire de Muriel, Juan de Vere, est fasciné par Beatriz. Il se met à la suivre, et ne tarde pas à découvrir la double vie, fortement épicée, de l’épouse éconduite. On sait le goût du maître espagnol pour les constructions alambiquées qui, lorsque le brouillard se lève, touchent au sublime (lire « Comme les amours », en Folio). On connaît aussi son génie de la digression – on saute ici d’une discussion sur la vraie identité de Shakespeare à une évocation de la carrière de Herbert Lom (l’acteur qui jouait, dans « la Panthère rose », le chef de l’Inspecteur Clouseau). Mais, cette fois, l’intrigue du livre peine à s’installer, et le roman fait le même effet que, sous la dent, un morceau de viande froide, difficile à mastiquer.