Portland, capitale du cool
Elle aurait pu ressembler à n’importe quelle ville américaine, sauf qu’elle a décidé de vivre au ralenti, tentant d’être en harmonie avec la nature. Bienvenue dans la cité des vélos et des food trucks
De prime abord, on croirait une cité industrielle et laborieuse typique du nordouest des Etats-Unis, avec son downtown hérissé de gratte-ciel, ses multiples ponts en acier qui strient la rivière Willamette, son entrelacs de voies rapides. Et pourtant, la principale ville de l’Oregon recèle sans doute ce que l’Amérique a de plus cool, de moins speed à offrir. Rien d’étonnant à ce qu’elle arbore fièrement sa devise, plaquée sur des tee-shirts et des mugs: « Keep Portland Weird », qu’on pourrait traduire par l’injonction : « Maintenons l’étrangeté de Portland ».
HYMNE À LA NATURE
Cette singularité, le lieu de naissance de Matt Groening – le créateur des « Simpson » – la tient d’abord à ses choix urbanistiques audacieux, à contre-courant de nombreuses métropoles américaines. Dès les années 1970, la municipalité s’est montrée ferme, refusant de céder aux sirènes d’un développement effréné. Résultat : aujourd’hui encore, la forêt s’étend aux portes de la cité, la nature a ses entrées partout et le vélo est roi. La mairie n’a pas hésité à démolir un axe routier majeur le long des berges de la Willamette pour y établir un waterfront park, avec de larges pelouses où s’ébattent des oies sauvages. Les South Park Blocks traversent presque de part en part le centre-ville. Même Chinatown dispose de son oasis de tranquillité au pied des immeubles, le Lan Su Chinese Garden, un authentique jardin chinois construit autour d’un lac. Le must est de l’arpenter pieds nus pour s’offrir une
séance de réflexologie plantaire grâce aux pierres polies qui pavent le chemin. Et que dire de l’International Rose Test Garden, une explosion de fleurs sur les hauteurs de la cité, avec comme arrière-plan le Mount Hood, le volcan enneigé qui veille sur Portland? C’est cette roseraie à ciel ouvert qui lui vaut le surnom bucolique de « ville des roses ».
PARADIS DES HIPSTERS
De l’autre côté de la Willamette, sur la rive est, on se croirait carrément dans un bourg de province. Portland n’est pas à un paradoxe près, et c’est dans la quiétude de ces quartiers résidentiels traversés par une multitude d’écureuils que se nichent les rues ultrabranchées, à l’instar de Mississippi Avenue. Difficile de faire plus décalé et folklo que cette allée commerçante bigarrée. On commence par une halte chez Paxton Gate, un cabinet de curiosités qui vend tableaux de papillons, crânes de rongeurs, petits animaux empaillés ou bien encore trophées de chasse. Les friperies vintage côtoient un dispensaire de cannabis récréatif installé dans une maison en bois au porche accueillant. Car oui, dans l’Oregon, on peut fumer, vapoter, consommer sous forme de space cake ou autre de la marijuana en toute légalité. En fin de parcours, les food carts vous attendent pour une pause gourmande. Ces petits camions-restaurants typiques de la ville servent des mets qui fusionnent à l’envi d’innombrables traditions culinaires.
Autre rendez-vous des gourmets branchés : Alberta Street. Le midi, les jeunes freelance se pressent ainsi chez Bunk, leur laptop sous le bras (2017 NE Alberta Street). Là, ils dégustent sur le pouce de savoureux sandwichs au pulled pork, cette viande de porc effilée ultratendre, ou au thon mariné aux câpres et au citron. Pour le dessert, direction Salt & Straw (2035 NE Alberta Street), le glacier le plus réputé de la ville, inventeur d’une recette exquise aux rubans de caramel salé, mais aussi de parfums totalement déjantés, comme le poire-roquefort !
Le soir, les locaux conseillent Grain & Gristle et sa terrasse cosy (1473 NE Prescott Street). On y sirote une pinte de bière blonde locale autour d’une cuisine de bistrot : burger à la viande juteuse, agneau braisé, poisson du jour… C’est sans doute aux habitués de ces lieux qu’a pensé l’artiste Alexander Barrett en écrivant « This is Portland ». Ce petit livre hilarant met gentiment en boîte les bobos du cru qui « suspectent d’être républicains » tous ceux qui n’ont pas de poulailler dans leur jardin. Les hipsters ont le sens de l’autodérision : vous trouverez ce guide non officiel dans toutes les boutiques trendy de Portland.