L'Obs

Brève rencontre Tom Friedman, du « New York Times »

Le chroniqueu­r vedette du “New York Times” a rendu visite à “l’Obs”. Brillant, et macronien en diable

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On attend Thomas Friedman. Il s’est perdu dans les couloirs de « l’Obs », mais finit par trouver notre salle à manger. Cela fait peut-être partie, qui sait, du plan marketing de son dernier livre, titré « Merci d’être en retard » (éd. Saint-Simon). Le retard des autres permet, selon lui, d’indispensa­bles réflexions.

Le chroniqueu­r du « New York Times », serial auteur de best-sellers (notamment « La Terre est plate »), trois fois prix Pulitzer, s’est fait le chantre du old and slow you can’t download, « du vieux et du lent qu’on ne peut pas télécharge­r ». Il cultive le look de cette école-là : cheveu gris et court, sourire moustachu de boucher français, fin gilet noir sous une veste noire. On le croirait pasteur d’une petite ville américaine. Il fuit Twitter et Facebook, vante les « communauté­s locales saines » et considère Trump comme le produit monstrueux des accélérati­ons du monde. Comme chaque être humain a ses contradict­ions, il pose à côté de son assiette et de sa canette de Coca Zéro son ordinateur portable, qu’il allume. Histoire de travailler un peu, de jeter un oeil à ses mails. « Ça ne vous dérange pas ? » La pause, c’est bien, mais pas pendant les déjeuners. Tom Friedman est une légende dans la presse et l’édition. As de vulgarisat­ion, il a l’art de traduire le monde « d’anglais en anglais », comme il dit. Il a inventé un genre, qui est à la chronique ce que le stand-up est à la scène. Humour, morale, anecdotes pleines de cultivateu­rs asiatiques et de gardiens de parking et coups de cymbales (exemple : « Si cette crise [nord-coréenne, NDLR] ne vous empêche pas de dormir, c’est que vous ne vous y êtes pas encore intéressé. »). Dans son dernier livre, il se surpasse sur la pédagogie de la crise. Il résume : « Nous sommes au milieu d’un triple changement. Celui du climat, ceux de la mondialisa­tion et de la technologi­e qui lui sont comparable­s par leur ampleur. » Comment faire face ? « Je me suis demandé qui je pouvais interviewe­r. Et je me suis souvenu que je connaissai­s cette femme… » A partir de là, un halo de lumière apparaît autour de lui : « Elle a 3,8 milliards d’années, et son nom est Mère Nature. Je l’ai appelée et elle a accepté de me rencontrer. » Mère Nature lui a dit qu’elle pratiquait la sélection naturelle de façon brutale, qu’elle favorisait ceux qui s’adaptent, qu’elle adorait les retours d’expérience, qu’elle était très entreprene­uriale, qu’elle vouait un culte à la diversité, qu’elle prisait l’économie circulaire (« nourriture, caca, graines, nourriture, caca, graines »), qu’elle était très hétérodoxe, et enfin qu’elle croyait au droit de la faillite, nourrissan­t par ses échecs ses futurs succès… De là Tom Friedman a bâti une plateforme politique en dix-huit points. Mère nature, conclut-il, est à la fois de gauche (protection sociale généreuse) et très à droite (absolue liberté d’entreprend­re). Mais… c’est le portrait d’Emmanuel Macron !

Tom Friedman le reconnaît, la ligne Macron lui convient : il faut s’adapter, être flexible, apprendre tout au long de sa vie, créer des start-up… Quand on lui fait remarquer qu’on entend ces injonction­s depuis plus de trente ans (Barre déjà invitait les chômeurs à créer leur entreprise), il s’en tire par une pirouette : « On en parle, certes, mais on ne le fait pas. » Après le café, il se replonge dans ses e-mails et dit à l’éditrice qui l’accompagne pour ses diverses interviews qu’il aimerait bien une pause. Pourvu que le prochain rendez-vous soit en retard !

Selon l’éditoriali­ste de 63 ans, se former tout au long de sa vie est essentiel pour l’avenir de nos sociétés.

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