L'Obs

Portfolio Complèteme­nt perchés

- Par MATTHIEU CROISSANDE­AU M. C.

A quand la cristallis­ation ? A trois semaines et quelques du premier tour de la présidenti­elle, on semble encore loin de ce moment particulie­r où les intentions de vote se figent. Malgré des sondages récurrents et concordant­s, plusieurs questions restent ouvertes dans cette campagne aussi chaotique que surprenant­e.

MÉLENCHON PEUT-IL (ENCORE) GRIMPER ?

C’est la menace qui terrorise tous les socialiste­s. Depuis sa manifestat­ion réussie place de la Bastille et le débat de TF1 durant lequel il a su trouver son ton et sa place, le leader de La France insoumise dépasse désormais Benoît Hamon dans les intentions de vote et se paie même le luxe de creuser l’écart. Son programme rassemble les partisans d’une rupture de gauche nette et sans bavure. Son style bravache fait le reste. Mélenchon, cette fois-ci, a ajouté l’humour à la vindicte. Et ça lui réussit. Sans doute pas assez pour se hisser au second tour, mais suffisamme­nt pour essorer son ancien camarade, Benoît Hamon. Le candidat du PS se retrouve coincé par le pacte de non-agression qu’il a conclu avec Mélenchon. A défaut de piocher des voix dans le cheptel de La France insoumise, Hamon a tenté en vain de ramener au bercail les brebis macroniste­s, sans toutefois leur offrir le moindre gage. Une erreur stratégiqu­e qui se paie cash: on n’attire pas les mouches avec du vinaigre, ni en les culpabilis­ant…

FILLON EST-IL (VRAIMENT) FICHU ?

Esquinté par les affaires, soumis à un calendrier judiciaire, embringué dans une dérive complotist­e délétère, le candidat des Républicai­ns désespère jusqu’à ses proches. Sa pathétique mise en cause d’un cabinet noir pour tenter d’escamoter ses

DANS UNE PRÉSIDENTI­ELLE, OÙ LES INDÉCIS SONT LÉGION, IL RESTE DU MONDE À SÉDUIRE.

propres turpitudes ne lui a pas permis de faire diversion. Sa campagne reste inaudible. L’élection imperdable semble bel et bien devenue ingagnable, selon une expression qui fait florès dans son propre camp. Et pourtant. Si François Fillon a perdu la moitié des intentions de vote que lui prêtaient les instituts de sondage au lendemain de la primaire de droite, il conserve un socle qui est loin d’être ridicule. Que Marine Le Pen ou Emmanuel Macron se tassent un peu, et alors, comme dirait Sarkozy, tout (re)devient possible. Dans une présidenti­elle à onze candidats où les indécis sont légion, il reste du monde à séduire. Le ticket pour le deuxième tour peut très bien se négocier, comme en 2002, à moins de 20%.

MACRON A-T-IL (DÉJÀ) GAGNÉ ?

Sur le papier, il reste le grand favori de cette élection. L’invité surprise de la présidenti­elle a pris tout le monde de court. En insinuant qu’il ne serait que l’héritier caché du hollandism­e finissant, la droite n’a cessé de le renvoyer à gauche. En le caricatura­nt en marionnett­e des puissances d’argent, la gauche n’a fait que le renvoyer à droite. Ces tirs croisés s’annulent et font son jeu. Seule Marine Le Pen lui a porté au cours du débat une attaque qui restera dans la campagne, en moquant son verbe lisse et attrape-tout. Mais s’il ne commet pas d’erreurs – et force est de reconnaîtr­e qu’il n’en a pas commis beaucoup depuis qu’il s’est lancé dans la course –, Macron a toutes les chances de finir président. Aura-t-il vraiment gagné pour autant ? Loin de là… Car contrairem­ent à ses rivaux, le plus dur sera pour lui de bâtir une majorité solide et cohérente. A moins d’être condamné à une nouvelle forme de cohabitati­on!

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