“BENOÎT FAIT DE LA POLITIQUE, MOI PAS”
On la dit lobbyiste. Pour la première fois, Gabrielle Guallar, la compagne de Benoît Hamon, répond aux questions sur son travail chez LVMH, l’empire de Bernard Arnault
E lle a d’abord dit non. « Elle est extrêmement pudique. Il n’y a aucune chance pour qu’elle change d’avis », avaient prévenu les proches de Benoît Hamon. Et puis, il y a une dizaine de jours, ce SMS de Régis Juanico, un intime du couple : « Si vous le souhaitez, vous pouvez l’appeler. » La veille, la mystérieuse Gabrielle Guallar, invisible depuis le début de la campagne, venait d’apparaître pour la première fois au côté de son mari lors de son meeting à Bercy. Pourquoi un tel revirement ? Il faut y voir des raisons à la fois personnelles et politiques. Gabrielle Guallar en a eu assez de lire dans les journaux des propos suggérant que son compagnon la « planquerait ». Il est vrai que cette femme de 41 ans, multidiplômée (Sciences-Po Paris, Collège d’Europe à Bruges), n’exerce pas un métier anodin. Elle est responsable des affaires publiques chez LVMH, empire du luxe détenu par l’homme le plus riche de France, Bernard Arnault. En langage courant, cela veut dire qu’elle fait du lobbying. Voilà qui fait parler… ou sourire. Le candidat socialiste a en effet axé une partie de sa campagne sur la dénonciation des lobbys et des « puissances de l’argent ». Pour lui, l’exercice est d’autant plus périlleux que LVMH n’a pas toujours eu bonne presse chez les électeurs de gauche, surtout depuis le succès du film réquisitoire de François Ruffin, « Merci patron ! ».
Un peu inquiète, mais déterminée, d’une voix où affleure un lointain accent méridional – elle a grandi dans la région de Perpignan –, Gabrielle Guallar a donc voulu mettre les points sur les i. Non, elle ne fait pas de lobbying. Oui, elle a été recrutée pour ses compétences. Et oui, elle assume « la confrontation de points de vue différents » avec son compagnon. Une working girl ferme et appliquée, aussi éloignée du bling de Brigitte Macron que du bénitier de Penelope Fillon. Entretien. Avant le meeting de Benoît Hamon à Bercy, vous avez été particulièrement discrète durant cette campagne. Pour quelle raison ? Je ne m’associe pas à la vie politique de Benoît. Bien sûr, je m’intéresse à ce qu’il fait, nous avons beaucoup d’échanges, mais je ne suis pas à l’aise en apparaissant en public de cette façon-là. J’aime l’accompagner dans la discussion, en lui proposant de rencontrer des personnes différentes de celles qui l’entourent et en assurant notre équilibre familial. Nous avons deux filles et il est important de les préserver, de maintenir une stabilité dans une période où leur père ne peut pas être là comme elles en ont l’habitude. Pourquoi avoir changé d’avis ? Il y a des moments dans la vie où les choses s’imposent. Je suis discrète, oui, pas toujours cela dit, mais ma place était, à ce moment-là, auprès de lui. Et cela m’a fait vraiment plaisir d’être à Bercy, de participer à cet élan formidable. Je crois que cela peut se comprendre. Plusieurs articles sont revenus sur vos activités dans le groupe LVMH. Vous y êtes responsable des affaires publiques. Autrement dit, vous faites du lobbying… Non, le lobbying est assez éloigné de ce que je fais et de ce que je suis. Je travaille auprès du secrétaire général, Marc-Antoine Jamet. Je fais un travail d’analyse, d’information, de sensibilisation parfois, mais pas de lobbying. Je voudrais revenir sur les compétences et les expériences pour lesquelles j’ai été recrutée. Avant d’entrer chez LVMH j’ai travaillé quinze ans. D’abord à Bruxelles, dans un cabinet de consultants en affaires publiques et juridiques spécialisé dans les industries culturelles. J’y travaillais pour des labels de musique indépendants, des producteurs de cinéma, des institutions culturelles ; puis au Centre national du Cinéma (CNC), où je veillais à rendre la diversité culturelle possible, en m’assurant que notre système d’aides au cinéma puisse s’adapter aux règles communautaires de la concurrence. LVMH, c’est un groupe de luxe… Oui, mais la dimension culturelle et artistique y est fondamentale : avec la Fondation Vuitton mais surtout au sein de chacune des maisons du groupe dont le succès repose sur son patrimoine, sa créativité. Vous dites ne pas faire de lobbying. Mais vous avez quand même été auditionnée au Sénat pour défendre le travail du dimanche… J’aima mission.surtout aidé C’est le lui secrétairequi s’exprime général, et c’ests’est alors L’enjeu expriméétait la sur réouvertureces dossiers,le dimanchepas moi. et Sephora au-delà des Champs-Elysées,de 21 heures du et l’intégrationmagasin dans (ZTI)les zonesdu Bon touristiques Marché internationaleset de la Samaritaine.N’y a-t-il pas Sans cependantplus. un risque de conflit la d’intérêts concession? Quanddu Jardin vous d’Acclimatation, renégociez c’est auprès de la maire de Paris, Anne Hidalgo, dont le compagnon, Jean-Marc Germain, est le codirecteur de campagne de Benoît Hamon… Mais pas du tout ! Sur ce dossier, je me suis occupée de ce que j’aime : la programmation culturelle du futur jardin et les aspects liés au développement durable et à sa promotion auprès du public, mais en aucune manière de la renégociation proprement dite. Je me suis plus occupée d’enfants que d’élus ou de hauts fonctionnaires… Vous n’êtes jamais en contact avec les élus ? Rarement, jamais directement. Ne vivons-nous pas dans un temps où, dans un couple, chacun peut avoir sa personnalité, sa trajectoire professionnelle propre, où la femme n’est pas nécessairement le décalque de l’homme ? Pouvez-vous nous donner d’autres exemples de sujets sur lesquels vous travaillez ? Beaucoup de dossiers de mécénat, la COP21, l’année France-Corée, des opérations comme la charte « Objectif 100 hectares » qui vise à valoriser la biodiversité sur les murs et toits parisiens. Je réalise aussi un travail de préparation des déplacements à l’étranger. Mais je ne m’occupe pas de dossiers sensibles qui peuvent me mettre en difficulté, et je ne crois pas que ma hiérarchie le souhaiterait. Que ce soit sur la loi Macron ou sur ses propositions pour démanteler les groupes de médias, Benoît Hamon prend souvent des positions qui vont à l’encontre des intérêts de LVMH. Est-ce un problème ? Non. Il fait ses propositions et c’est très bien. Evidemment sans se préoccuper de moi, du groupe dans lequel je travaille. Il fait de la politique, moi pas. Une des richesses de la vie, et de la vie de couple, c’est la discussion, la confrontation de points de vue différents. Tout ne peut pas être comme ça, dans le même moule, uniforme, ça serait d’une tristesse incroyable. Vous voterez quand même pour lui ? Oui ! Et plutôt deux fois qu’une ! Envisagez-vous de devenir première dame ? Arrêterez-vous de travailler ? Je ne sais pas. Etre première dame ? Je ne suis pas programmée pour ça… Mais ma place est à ses côtés, toujours. Je m’adapterai tout en restant moi-même, ce n’est pas la première fois et j’en ai les ressources.
“LE LOBBYING EST ASSEZ ÉLOIGNÉ DE CE QUE JE FAIS ET DE CE QUE JE SUIS.”