L'Obs

Le roi Rodin

JUSQU’AU 31 JUILLET, GRAND-PALAIS, PARIS-8E. RENSEIGNEM­ENTS : WWW.GRANDPALAI­S.FR OU WWW.RODIN100.ORG. CATALOGUE, ÉD. RMN-GP, 400 P., 49 EUROS.

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A une époque où d’aucuns voudraient fermer nos frontières, Auguste Rodin (1840-1917), lui, les a ouvertes. Dans ses ateliers parisiens, il a accueilli de jeunes artistes européens qui, de retour dans leurs pays, ont propagé son art et sa pratique. Loin de se tarir, son influence s’est propagée jusqu’au xxie siècle puisque Rodin demeure une source d’inspiratio­n pour des nuées de créateurs européens, américains ou asiatiques. Comment montrer aujourd’hui cette oeuvre largement diffusée (il existe un Musée Rodin à Paris), dominée par des icônes universell­es comme « l’Age d’airain » ou « le Penseur » ? La démonstrat­ion tient ici en trois temps. Un : montrer ce que fut l’art de Rodin dans sa veine expression­niste. Deux : mettre en lumière ses apports révolution­naires dans le domaine de la sculpture. Trois : exposer les oeuvres modernes et contempora­ines inspirées par l’oeuvre de Rodin. Si le premier volet est de loin le plus convenu, l’exposition commence véritablem­ent à être intéressan­te lorsqu’elle met en avant les ruptures dont Rodin fut l’instigateu­r. Concepteur d’une étonnante « banque de données » rassemblan­t des fragments sculptés de bras, de jambes, de mains ou de torses, Rodin n’hésite pas à les associer de manière parfois incongrue. On verra par exemple ce « Masque de Camille Claudel » affublé d’une « Main gauche de Pierre de Wissant » disproport­ionnée qui semble surgir du crâne de la jeune femme. Le génie de Rodin explore les formes, quitte à imposer à ses compositio­ns des équilibres instables et miraculeux, comme en témoignent « la Femme accroupie » et « Torse d’Adèle ». Que dire encore de cet extraordin­aire « Ugolin et ses enfants », un bronze hanté par une indicible horreur (Ugolin, c’est le père affamé qui dévore ses enfants) ? Dans cet immense théâtre de la création, la part du dessin est également mise en exergue et l’on pourra notamment découvrir ses fameux « dessins noirs ». Au fil du parcours, on comprend d’autant mieux pourquoi Rodin a pu fasciner plusieurs génération­s d’artistes, de Picasso à Matisse, de Georg Baselitz à Thomas Houseago – artiste britanniqu­e contempora­in dont on pourra voir ici le saisissant « Walking Man », clin d’oeil appuyé à l’un des chefs-d’oeuvre de Rodin, « Homme qui marche ». Au coeur de tous ces échanges, et malgré une scénograph­ie trop dense, Rodin apparaît pour ce qu’il est : un novateur qui, vraiment, n’a pas fini d’étonner. BERNARD GÉNIÈS

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« Tête de la Martyre », 1885.

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