L'Obs

LE VÉNÉRABLE W. PAR BARBET SCHROEDER

- FRANÇOIS FORESTIER

Documentai­re franco-suisse (1h40).

L’olympien Barbet Schroeder a la haine. Un voisin, croyant bien faire, a débroussai­llé et arasé sa propriété d’Ibiza. Tous les arbres séculaires, qu’il aimait à la folie, ont été coupés. Désormais, sur les souches, le cinéaste applique, chaque année, de la peinture rouge sang, manière de témoigner de ce massacre arboricole. Mais comme il n’arrivait pas à évacuer sa fureur, Barbet Schroeder a fait appel à une religion sans dieu, à une philosophi­e de la concorde et du pardon : le bouddhisme, dont il fut un adepte dès son adolescenc­e, partant même en pèlerinage, lorsqu’il avait 20 ans, jusqu’au Sri Lanka. Un demi-siècle plus tard, le documentar­iste a choisi d’aller en Birmanie et de revenir à la source de la sagesse. Il pensait trouver refuge dans la méditation, et il découvre, en la personne d’Ashin Wirathu alias le Vénérable W. (photo), l’incarnatio­n du racisme, de l’islamophob­ie, du fanatisme nationalis­te. Car ce moine bouddhiste de Mandalay, leader du parti Ma Ba Tha, qu’on surnomme le « Ben Laden birman », ne vise qu’à éradiquer, dans un pays à 95% bouddhiste, les 5% de Rohingyas musulmans, qui tentent de survivre et contre lesquels il multiplie les actions punitives, meurtres et incendies compris. Fidèle à sa méthode, le documentar­iste montre, mais ne juge pas, donne à entendre l’exécrable Vénérable W., mais ne le condamne pas, et mêle des images d’archives à celles, clandestin­es, des réseaux sociaux. Voici le portrait du Mal, sans sous-titres. Avec ce film, Barbet Schroeder boucle sa trilogie de la terreur commencée avec Amin Dada, poursuivie avec Jacques Vergès et close avec ce moine exterminat­eur en robe safran. Pour autant, le cinéaste de « Kiss of Death » veut croire encore, au milieu de ses moignons d’arbres, aux vertus pacifiques du bouddhisme.

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