L'Obs

LA SEMAINE DU GOÛT 2017

-

Au menu de cette 28e édition, placée sous le signe du « partage », des rencontres et animations dans les classes, des journées portes ouvertes à la ferme ou au restaurant, des ateliers pour mieux manger, des parcours de courses balisés dans les magasins Auchan ou encore des « leçons de goût » digitales. (www.legout.com). Rappelons que chaque année, la Semaine du Goût fédère grand public (notamment plus de 200 000 enfants) et profession­nels.

27% en 2007, selon le Crédoc), ils se montrent plus exigeants sur le contenu de leur assiette. Dédaignant les conserves au profit des produits frais et de saison, ils prêtent davantage attention à l’origine et au mode de production de leurs aliments (absence de pesticides, d’OGM ou d’antibiotiq­ues, qualité de l’élevage, etc.).

« Ce sont d’ailleurs les plus gros consommate­urs de bio d’Europe après l’Allemagne », souligne Pascale Hébel. Porté par les géants de la grande distributi­on qui ne cessent d’étoffer leurs gammes certifiées et ouvrent désormais leurs propres magasins dédiés (Carrefour Bio et, très prochainem­ent, Auchan Bio), le marché du biologique a en effet triplé en dix ans et continue de s’enraciner chaque année un peu plus dans l’Hexagone (+20% en 2016, selon Agence Bio).

En quête de goût et d’authentici­té, les Français ont soif d’artisanal et de produits locaux, comme l’illustre l’explosion des microbrass­eries tricolores (passées de 200 à plus de 1 000 en cinq ans). Une tendance qui n’a pas échappé au pionnier étoilé de la cuisine « gastro-écolo » Marc Veyrat, qui a ouvert au printemps son premier restaurant parisien, Rural. Sorte de refuge montagnard en plein Palais des Congrès où l’on sert des plats volontaire­ment rustiques, à la fois bio et de saison.

Devenu une préoccupat­ion importante, voire primordial­e, pour 63% des Français (Harris Interactiv­e, 2017), l’équilibre alimentair­e est le nouvel étendard des cantines branchées. Brandissan­t leur carte bio, ces adresses healthy au mobilier épuré poussent comme des champignon­s dans la capitale et les grandes villes, attirant aussi bien les hipsters barbus et tatoués que les cadres dynamiques – femmes et hommes. A l’intérieur de ces sanctuaire­s glamour de la diététique gourmande, eau de coco, boissons à base de thé et smoothies survitamin­és coulent à flots, tandis que bagels végétarien­s et « bowls » font un strike auprès des clients. Remplis d’aliments colorés et équilibrés, ces bols composés fleurissen­t en effet sur les menus tandis que s’ouvrent à Paris les toutes premières pâtisserie­s traditionn­elles françaises « 100% végétales » et sans gluten.

Exhibant leurs nouvelles habitudes comme des trophées, les plus connectés postent volontiers sur Facebook ou Instagram les clichés de leur dernier repas « santé », tandis que blogs et magazines vantent, jusqu’à l’indigestio­n parfois, les qualités nutritionn­elles du dernier « super-aliment » à la mode – hier, le quinoa, l’açaï ou la spiruline ; aujourd’hui, la baie de goji et l’acérola –, quand ils ne décryptent pas le régime star du moment.

Effet de mode, conviction profonde, conséquenc­e de la diversific­ation de l’offre ? Entre 4 et 6% des Français revendique­nt désormais un régime spécial, selon Harris Interactiv­e : sans gluten ou sans glucides pour les uns, végétarien (ni viande ni poisson), crudivore, végane (sans protéines animales) ou flexitarie­n (végétarien tolérant des entorses) pour les autres – voire un peu tout à la fois ! Difficiles à recenser, les «purs et durs» seraient en réalité beaucoup moins nombreux, estime toutefois le Crédoc.

Quoi qu’il en soit, les Français ont de moins en moins d’appétit pour la barbaque (hors volaille, en hausse). Jugée « trop chère » et suspectée de favoriser certains cancers par l’OMS, la viande décline depuis une dizaine d’années. Mais, loin de renoncer aux plaisirs de la chair, les carnivores privilégie­nt désormais la qualité et plantent plus volontiers leurs crocs dans des morceaux d’exception. A L’Atelier Carnem, nouveau repaire parisien des amateurs de races d’exception (ouvert cet hiver au coeur du quartier Latin), les clients n’hésitent pas à débourser entre 54 et 74 euros pour déguster, les pieds dans le sable (le sol du restaurant !), une entrecôte Rubia de Galice maturée, saisie à la plancha, ou Wagyu (race japonaise fondante et persillée) grillée au barbecue.

Côté saveurs, les Français ont de toute évidence les papilles vagabondes. S’ils affectionn­ent particuliè­rement les tables « franchouil­lardes », ils ont aussi un faible pour la cuisine italienne et les pizzas « haut de gamme », selon les experts

FRANÇAIS SUR 10 DÉCLARENT MANGER RÉGULIÈREM­ENT BIO, CONTRE 4 SUR 10 IL Y A CINQ ANS. (Source : Agence Bio, 2016.)

de La Fourchette (Bilan 2016 et tendances 2017). « Les réservatio­ns effectuées via notre plateforme dans des pizzerias “gourmets” ont été multipliée­s par quatre par rapport à l’année dernière », constate Guillaume de Lacroix, directeur marketing France du leader européen de la réservatio­n de restaurant­s en ligne.

Amateur de nouvelles sensations culinaires, le palais français cherche à s’évader et se laisse volontiers tenter par les saveurs d’ailleurs. « Les restaurant­s proposant une cuisine “fusion” sont en nette augmentati­on dans toute la France (+40% cette année) », confirme le spécialist­e. Sur les cartes bistronomi­ques ou brasseries, les plats tricolores poursuiven­t volontiers leur métissage avec de nouveaux ingrédient­s. Le foie gras rencontre la gelée de maracuja tandis que les ris de veau convolent avec le chou Pak-Choï dans les cuisines de Beatriz Gonzalez (Neva Cuisine, Paris-8e); le cochon confit fricote avec l’huacatay (herbe andine) chez Lucas Felzine (Uma, Paris-1er), la nouvelle coqueluche de la cuisine « nikkei » (péruviano-japonaise) ; et le tonkatsu de thon cru sous sa croûte panée vole la vedette au tartare de boeuf sur les tablées en bois du Mama Shelter (Paris-20e). « L’un de nos “top sellers” », confirme Serge Trigano, le propriétai­re de cet antre de la « branchitud­e ». Preuve que l’exotisme importé fait vendre.

Chez McCormick (Ducros, Vahiné, Thaï Kitchen, etc.), les gammes « cuisines du monde » destinées aux profession­nels de la restaurati­on sont « en progressio­n » et font l’objet d’un engouement « de plus en plus fort depuis cinq ans », assure Aziza Khalil, responsabl­e foodservic­e Europe du leader mondial des épices, herbes aromatique­s et condiments. Scruté, le « Carnet de saveurs » annuel édité par le groupe, présentant les tendances mondiales « identifiée­s sur le terrain », prédit la montée en puissance des accents méditerran­éens et moyen-orientaux dans la cuisine fusion. « Les plats d’Europe de l’Ouest vont être réinterpré­tés avec des ingrédient­s méconnus comme l’épine-vinette, baie typique de la cuisine persane, ou le baharat, un mélange d’épices classique de la cuisine orientale », précise la porte-parole du géant de l’assaisonne­ment qui inonde de ses fiches-recettes les chefs en mal d’inspiratio­n.

Une chose est sûre, la cuisine « ethnique » continue de prendre ses aises dans les rayons des supermarch­és. Placés en tête de gondole, les produits asiatiques (nouilles de riz, sauce soja, kit sushi…) ont les faveurs des consommate­urs, tout comme les tortillas et autres stars du tex-mex, si l’on en croit le leader du marché, Old El Paso, qui a vu ses ventes bondir de près de 5% l’année dernière et se targue d’avoir doublé son chiffre d’affaires en dix ans.

Reste que cette quête frénétique de nouvelles saveurs ne doit pas faire oublier les fondamenta­ux de la gastronomi­e française. Une gastronomi­e que tout le monde nous envie, « caractéris­ée par la diversité mais dans laquelle les produits sont identifiés et identifiab­les », rappelle Guy Savoy. Préférant l’originel à l’original, le chef triplement étoilé de la Monnaie de Paris s’applique à défendre une cuisine « aux goûts francs » respectant l’intégrité et sublimant les saveurs de « produits chargés d’histoires ». Pour cet apôtre des papilles, « la noblesse n’est définitive­ment pas dans le coût, mais dans l’authentici­té ». « Mieux vaut un bon saucisson qu’un mauvais foie gras, un chou fraîchemen­t cueilli qu’un homard surgelé », se plaît-il à répéter.

DES FRANÇAIS DÉCLARENT MANGER VÉGANE (ET 4% SANS GLUTEN). PRÈS DE LA MOITIÉ LE FONT DEPUIS MOINS D’UN AN. (Source : Harris Interactiv­e, 2017.)

 ??  ?? Potager et bar éphémère à Ground Control, une friche en plein Paris.
Potager et bar éphémère à Ground Control, une friche en plein Paris.
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France