“J’AI SERRÉ LA MAIN DU DIABLE”
REDA KATEB, ACTEUR
« Je ne connais pas Harvey Weinstein, je l’ai seulement croisé une fois à Cannes. Lui serrer la main m’avait donné l’impression de serrer celle du diable. Moi, je n’ai pas une vision sexiste du monde du cinéma, parce que je suis un homme. Mais je dois dire que, dans ce milieu, le rapport à la femme objet est plus insidieux que dans le reste de la société : les actrices sont parfois amenées à faire des choses qu’elles ne souhaitent pas, pour réaliser leurs rêves. J’ai déjà senti autour de moi des comédiennes vaciller, piégées et perdues dans une image ultrasexuée d’ellesmêmes. Les acteurs en général, nous sommes, dans les mains des metteurs en scène, des proies faciles. Il faut bien comprendre qu’on peut vite se sentir glisser dans des situations perverses, sans avoir été consentants. Pour les hommes, c’est moins compliqué, mon physique n’est pas mon fonds de commerce. Je vis personnellement mon métier en ayant toujours en tête que je refuse toute relation de pouvoir. Le problème, c’est aussi les propositions qui sont faites aux actrices. Leur vulnérabilité est usée et épuisée par un système, où l’injonction à l’ultra-sexualité est forte. C’est une norme à laquelle elles sont confrontées dès les débuts : du prof de théâtre au directeur de casting en passant par l’agent, le réalisateur ou le partenaire acteur, c’est toute une chaîne qui est responsable. Weinstein est le symbole exacerbé de ce système, où tout est possible dans la mesure où l’on accepte de s’anéantir. »