Spationaute de la soul
AROMANTICISM, PAR MOSES SUMNEY (JAGJAGUWAR/PIAS).
Il a écrit sa première chanson à 7 ans. Elle s’intitulait « One Night Stand » (coup d’un soir), sans savoir ce que l’expression signifiait. A 27 ans, il publie son premier album tout en apesanteur et ralentis (à l’exception du final de « Lonely World »). Moses Sumney est un spationaute de la soul, recommandable par un falsetto cosmique dont il a parfois tendance à s’enivrer luimême. Veloutée, funky et résolument ascensionnelle, sa voix est un ravissement et son disque comme une mission d’exploration spatiale vers de caressantes et nouvelles frontières. On l’aura compris, Moses Sumney fait de la concurrence à la Nasa. « Mes ailes sont faites de plastique », dit-il dans l’exquis « Plastic », ballade de jazz futuriste pour Billie Holiday satellitaire. Au menu, tempos alanguis, mélodies stratosphériques, guitares acoustiques, violons, harpes et choeurs de miel : que du dessert. Ecouter ce disque gravitationnel sur Deezer, entre deux publicités pour Conforama, est une expérience métaphysique, décollage, atterrissage. Par certains aspects, l’art de Sumney n’est pas sans rappeler celui de Frank Ocean : écoutez « Make Out in My Car », R’n’B à flûte traversière baigné de choeurs où la voix vertigineuse du chanteur se multiplie elle-même. Le titre du disque, « Aromanticism », renvoie, dit-il, aux souffrances de la solitude amoureuse. Fils d’un couple de pasteurs qui l’ont, comme il se doit, gorgé de gospel, Moses Sumney est né à San Bernardino, dans la banlieue de Los Angeles. A 10 ans, il déménage au Ghana, le pays d’origine de ses parents, puis revient dans sa Californie natale pour étudier à Ucla. Pendant huit ans, il compose toutes ses chansons a cappella avant d’apprendre à jouer de la guitare en autodidacte. Le vocaliste avait travaillé avec des artistes aussi disparates que Sufjan Stevens, Solange, Erykah Badu, Grizzly Bear, Skrillex ou St. Vincent – avant la mise à feu de cette première fusée.