L'Obs

Déborah Pham

La rédactrice en chef du magazine épicurien “Mint” vient de passer de l’autre côté de l’assiette avec l’ouverture d’une guinguette moderne sur les quais parisiens

- Par CHRISTEL BRION

QUI EST-ELLE ?

« Je ne sais pas dire non, et je ne sais pas choisir… » Déborah Pham, 28 ans, fait comprendre dans un sourire que sa double casquette de journalist­e et de restauratr­ice n’est pas vraiment un problème. A l’entendre, son parcours est le fruit du hasard, et si elle a aujourd’hui plusieurs métiers, c’est qu’elle s’est longtemps cherchée. A 18 ans, pour rompre avec des études de lettres qui l’ennuient, la jeune femme passe un an au Japon : « Ça a été un choc culturel. J’étais dans une famille de la banlieue de Tokyo qui ne parlait pas anglais, le tatami me faisait des bleus aux hanches, le repas en tailleur et les baguettes tous les jours… » Mais elle tient bon : « Je suis fière et je ne voulais pas inquiéter ma mère. » Pour se faire comprendre, elle dessine dans un calepin tout ce qu’elle ne mange pas (poisson, viande). Elle sera végétarien­ne pendant dix ans, au grand désespoir de ses parents, si fiers que leur petite fille « mange des trucs compliqués comme du pied de porc ou des rognons ».

D’OÙ VIENT-ELLE ?

Rentrée à Strasbourg, sa ville natale, Déborah Pham entame sans conviction des études de langues étrangères appliquées, puis suit son petit copain de l’époque à Paris et s’inscrit avec lui dans une école de journalism­e. Grosse déconvenue: « On ne m’apprenait à écrire que des brèves, moi qui n’aimais que le long ! » Un prof, chroniqueu­r pour une émission culinaire, la prend sous son aile, et Déborah Pham commence à piger pour des magazines spécialisé­s en gastronomi­e, comme « Fricote » ou le site Geek & Food. Ses interviews de chefs, notamment Sean Brock, en Virginie, et Ryan Clift, à Singapour, ont raison de son végétalism­e. « J’ai réalisé qu’il y a des gens qui travaillen­t correcteme­nt avec des aliments de qualité. » Lassée d’écrire sans être payée, et sans espoir d’embauche, elle crée son propre magazine: « Quitte à bosser gratuiteme­nt, autant que ce soit pour moi. » Comme une bouffée d’air frais, naît « Mint ».

QUE FAIT-ELLE ?

Elle récolte 8000 euros grâce au crowdfundi­ng et lance en 2014 un premier numéro gratuit, trimestrie­l et bilingue, où se côtoient jolis textes et superbes photos, mêlant gastronomi­e et voyage. Déborah Pham revendique un « slow journalism­e » qui prend son temps. « Pour un portrait, j’ai passé deux jours avec le chef Florent Ladeyn, en forêt, en cuisine. On est partis à la mer, on a mangé des frites. » Elle ne court pas après la tendance, mais affirme une personnali­té dans ses textes : « On a réussi à rassembler une polyphonie de styles d’écriture, déjantés ou plus sages. » Le huitième numéro vient de sortir, mais déjà Déborah a été emportée par un autre projet. Sur les quais de Seine libérés des voitures, elle a posé une terrasse en bois, des transats, et 80 couverts. C’est son restaurant, Maison Maison, devenu LE spot de cet été, avec sa vue à couper le souffle sur le fleuve. La chef Adriana Seghetta y sert une cuisine nature et réconforta­nte, qui se déguste désormais à l’intérieur. Au petit déjeuner, on goûte à la brioche maison, avec confiture de mûres et tomme de brebis, puis, au déjeuner, on craque pour ses fameux gnocchi al ragù, et une échine savoureuse aux aubergines rôties et houmous. Ici, on n’a pas fini de regarder couler la Seine.

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