L'Obs

Vies raccourcie­s

Où l’on voit qu’il faut pas rigoler avec les civilisés

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On s’assoit devant son ordinateur, on a rassemblé ses notes de la semaine, de quoi va-t-on parler? Un coup d’oeil aux dernières nouvelles, voir où le monde en est. Tiens, tombe à cet instant une déclaratio­n sur Europe1 de Mme Parly, ministre française des Armées. On avait plus ou moins en tête Doublevé Bush, ancien président des Etats-Unis, coupable d’avoir légalisé la torture et toujours en liberté, coupable aussi de bien d’autres crimes, on l’avait en tête à l’occasion du dénouement d’un fait divers dont on parlera tout à l’heure, qui s’était passé quand il était gouverneur du Texas.

Mme Parly, donc. Après Hollande, avec Macron, rien de changé. La France marchande d’armes ne va pas vers les cessez-le-feu. Vocabulair­e de cette femme (égale de l’homme) évoquant des djihadiste­s de Syrie qui évacuent Raqqa après un accord avec les libérateur­s kurdes. La France et les coalisés (Trump, etc.), sans s’occuper des accords locaux, vont « poursuivre les opérations militaires jusqu’au bout. S’il y a des djihadiste­s qui périssent dans ces combats, c’est tant mieux. […] Nous ne pouvons rien faire pour empêcher leur retour. Nous pouvons poursuivre le combat pour les neutralise­r ».

En résumé: pas de quartier. Drones et avions, artillerie, précise Mme Parly, sont là pour exterminer (neutralise­r, dans le contexte, ne veut rien dire d’autre). C’est intéressan­t, comme déclaratio­n. Non pas que la chose soit nouvelle, ce qui est nouveau c’est la franchise avec laquelle c’est dit. Et l’hypocrisie, alors? Aux orties?

Doublevé Bush, donc. Passait contrat avec une armée privée, levée par ses amis hommes d’a aires, pour torturer en Irak et y gagner une guerre qu’il avait déclarée, avec le succès qu’on sait. La France ne le suivait pas, alors. Doublevé Bush construisa­it à Guantanamo un centre o ciel de tortures où étaient enfermés les détenus qui avaient survécu à celles pratiquées plus discrèteme­nt par la CIA dans des pays étrangers complices. Aujourd’hui, il fait de la peinture à l’huile, il peint des toutous, il peint des portraits des dirigeants mondiaux qu’il a fréquentés pendant qu’il occupait la plus haute fonction des Etats-Unis. Riche retraité texan dans son riche ranch du Texas. Le Texas, pays qui fait pas rêver. Fait cauchemard­er.

Robert Pruett, jeune Texan de 15 ans, est accusé de complicité avec son père, lequel a tué un voisin. La famille Pruett n’est pas une famille modèle. Déjà, une mère toxicomane. Aucune pitié pour le père, lequel est condamné à mort et promptemen­t exécuté. Quant au fils, qui aurait mieux fait d’être dans sa chambre, jugé complice du meurtre et, selon la loi texane, automatiqu­ement passible de la même peine, il est condamné à 99 ans d’enfermemen­t. 99 ans+ 15 ans= 114 ans. Entré enfant, il n’était pas programmé pour sortir de prison de son vivant.

C’est ce qui s’est passé. Un jour, un gardien de sa prison, programmé pour en sortir vivant chaque jour, en est sorti mort car dans un couloir il avait été poignardé. Robert Pruett, alors, n’avait plus 15 ans, il en avait 20. Accusé du meurtre parce qu’il avait eu un échange de mots un peu vifs avec ce gardien, un jour, à propos d’un sandwich mangé dans ce même couloir ou un autre (nous n’y étions pas) et qui avait laissé tomber des miettes, il l’a toujours nié, ce qui est souvent le cas des meurtriers, cependant aucune preuve matérielle n’a permis de le confondre. Les analyses d’ADN penchaient vers l’innocence. Au Texas, voilà qui peut retarder votre exécution et vous permettre de jouir de la vie pendant encore quelques années. Tout a une fin. Même la vie la plus sédentaire. Robert Pruett, mis en prison à l’âge de 15 ans, y aura passé vingt-trois années avant d’y être mis à mort jeudi dernier. Il avait donc 38ans. C’est mathématiq­ue. Arithmétiq­ue, plutôt.

Et l’hypocrisie, alors ? Aux orties ?

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