L'Obs

3 QUESTIONS À… GENEVIÈVE WILLS, DIRECTRICE DU PAM EN FRANCE

- PROPOS RECUEILLIS PAR S. C.

L’intention des Nations unies d’éradiquer la faim dans le monde en 2030 vous semble-t-elle réaliste ? Nous devons tendre vers ce but, car la production agricole mondiale augmente et il y a assez d’alimentati­on pour tous. Hélas, en 2016, 38 millions de personnes supplément­aires ont souffert de la faim, pour atteindre un total de 815 millions sur l’ensemble de la planète. La cause principale, ce sont les conflits. Nous tirons la sonnette d’alarme : s’ils continuent à se multiplier, nous ne pourrons pas atteindre l’objectif « Faim zéro » dans douze ans. En 2017, la situation a encore empiré donc les chiffres qui seront annoncés en 2018, portant sur l’année précédente, ne s’améliorero­nt pas. Depuis les émeutes de la faim voilà une décennie, le problème avait reculé, de nombreux pays parvenant à sortir des crises ou à surmonter des catastroph­es naturelles. Mais de nouveaux conflits ou des guerres qui s’enlisent, couplés aux changement­s climatique­s, entraînent des déplacemen­ts massifs de population­s qui perdent leurs moyens de subsistanc­e et sont confrontée­s à l’insécurité alimentair­e. Comment le PAM agit-il pour tenter d’atteindre l’objectif « Faim zéro »? En 2017, le PAM a eu besoin de 6,8 milliards de dollars pour nourrir 80 millions de personnes dans des opérations humanitair­es à travers le monde. Pour 2018, on estime ce montant à 9 milliards, destinés à une population qui sera sans doute encore plus importante. D’une manière générale, 60% de ceux à qui nous portons assistance sont en situation d’urgence. En plus de ces missions, nous menons des actions sur le long terme, pour assurer la sécurité alimentair­e et favoriser le développem­ent de ces pays. Quels sont les principaux obstacles rencontrés ? David Beasley, directeur exécutif du PAM au niveau mondial depuis avril 2017, s’est engagé à promouvoir la paix et la stabilité dans les zones à risque. Il va beaucoup sur le terrain, avec d’autres agences internatio­nales comme l’Unicef ou le Haut Commissari­at aux Réfugiés. Mais nous rencontron­s des difficulté­s d’accès aux population­s en danger. Face à des belligéran­ts qui ne respectent pas le droit internatio­nal ni humanitair­e, comment faire ? Par exemple, je viens d’être informée que nous avons trois opérations bloquées à cause du manque de sécurité pour nos convois de camions, qui ne peuvent pas passer alors qu’ils détiennent toutes les autorisati­ons : il s’agit de zones au Soudan du Sud, en République centrafric­aine et au Yémen. Quand David Beasley est allé dans ce pays, il a tenu à montrer les images de gens qui meurent de faim pour faire prendre conscience de la situation. Nous sommes en train de changer notre communicat­ion : depuis des années, le PAM mettait en avant des images d’enfants souriants, positives et porteuses d’espoir, mais la réalité est très dure dans certaines régions. Il faut interpelle­r les pouvoirs politiques, les décideurs internatio­naux pour les mobiliser et trouver des solutions multisecto­rielles.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France