Don Assouline
Où l’écrivain français, à moins que ce ne soit son double, répond à l’invitation du roi Felipe VI de revenir au pays : l’Espagne ! RETOUR À SÉFARAD, PAR PIERRE ASSOULINE, GALLIMARD, 448 P., 22 EUROS.
La couverture annonce « Roman ». Vraiment ? Est-ce bien de la fiction? De la fantaisie? De l’autobiographie rêvée? Des fake news magnifiées? Avec ce diable d’homme, on s’y perd. C’est qu’il a signé tellement de biographies, avec talent, passion, méticulosité! Le voilà qui s’intéresse à un personnage – qui lui ressemble comme un reflet dans un miroir – dont le destin est aussi absurde, aussi déterminé, aussi tragiquement drôle que celui de Don Quichotte, mais un Quichotte mâtiné de Kafka. Qu’est-ce qui pousse le narrateur, juif séfarade français, à vouloir répondre à l’invitation du roi d’Espagne? Six siècles après l’expulsion des juifs du pays, le souverain suggère qu’ils pourraient rentrer à la maison. Sangre de Cristo! Notre bonhomme prend la déclaration de Don Felipe au pied de la lettre. Et il entreprend le chemin semé d’obstacles administratifs, spirituels, géographiques, qui le mènera à Séfarad, capitale de la Lydie, ou en Andalousie ou… Passent, en courant, des tas de gens : Terry Gilliam, Pedro Almodovar, Jorge Semprun, le marquis de Custine, Lawrence d’Arabie, Goya, George Sand, Stendhal… Tout le succès de Pierre Assouline est là : son érudition est sans égale, sa façon de flâner dans la littérature aussi, ses biographies se lisent comme du petit-lait (l’image est osée, mais juste, j’assume). De « Albert Londres » (1989) à « Sigmaringen » (2014) en passant par « le Fleuve Combelle » (1997) et « Du côté de chez Drouant » (2013), Assouline a narré les vies des autres, avec panache, et jugé avec discernement les bouquins de ses contemporains (car il est à l’Académie Goncourt, et y mange avec la fourchette de Mac Orlan). Juste retour des choses : après toutes ces années passées au bras de personnages célèbres, il se regarde, dans ce vrai-faux roman, et vérifie, avec un sourire amer, cette observation de Stanislas le Bienfaisant, roi de Pologne, marquis de Pont-à-Mousson, inventeur du baba au rhum : « On vit dans autrui, rarement dans soi-même. »