Double Payne
DOWNSIZING, PAR ALEXANDER PAYNE. COMÉDIE DRAMATIQUE AMÉRICAINE, AVEC MATT DAMON, HONG CHAU, CHRISTOPH WALTZ, KRISTEN WIIG, UDO KIER (2H15).
Quand Alexander Payne (« The Descendants », « Sideways »), qui filme ses personnages à hauteur d’homme, se pique de les rapetisser, ça donne un film plus que moyen. Le postulat est de ceux qui font les grands films. Paul Safranek (Matt Damon, photo), un brave ostéopathe du Nebraska, a tiré un trait sur ses grandes ambitions. Avec son épouse (Kristen Wiig), il vit toujours dans la maison de ses parents et peine à joindre les deux bouts. Pour s’offrir une vie meilleure, c’est décidé, sa femme et lui vont se faire « downsizer », du nom de la technique de miniaturisation mise au point par des scientifiques norvégiens pour lutter contre la surconsommation et le réchauffement de la planète.
S’est ainsi créée une société parallèle où, chacun mesurant 12 centimètres, on consomme moins, on coûte moins et on vit plus heureux – le spot de publicité est formel, on y voit Laura Dern dans son bain exhibant une bague en or rutilante qui ne lui a coûté que 83 dollars. Car un dollar, dans cet univers riquiqui, vaut quatrevingts fois plus. Un détail : le processus est irréversible. Paul Safranek va très vite le comprendre à ses dépens… Ceux qui espèrent une fiction inventive et iconoclaste à la Spike Jonze, le réalisateur de « Her » et de « Dans la peau de John Malkovich », déchanteront après la première demi-heure. Payne ne mange pas de ce pain-là. Et le réalisateur de révéler la face cachée de ce Lilliput faussement utopique où les inégalités de l’Amérique actuelle sont reproduites et les pauvres parqués dans une tour de Babel, au-delà d’un mur qui les rend invisibles au reste de la société. Partagé entre l’influence d’un noceur, nouveau riche (Christoph Waltz), qui a réussi grâce à un trafic d’import-export avec le monde normal et son attirance pour une femme de ménage vietnamienne au pied bot (Hong Chau), Safranek, livré à lui-même, doit faire le choix du capitalisme décomplexé ou de l’humanisme solidaire. Matt Damon fait le job, ajoutant un titre à sa filmographie de démocrate exemplaire. Alexander Payne, lui, tourne volontairement le dos au vaste potentiel cinématographique de son sujet pour se concentrer sur ses enjeux humains et politiques. Mais le propos est édifiant et la fable, mollassonne. Long, très long, le film semble écrit au fil de la plume, lesté par une ironie sans mordant et un sentimentalisme plaqué. « Downsizing » souffre d’un gros problème de proportion.