L'Obs

Gare au contre-pied

- Par DOMINIQUE NORA D. N.

AUSSI JUPITÉRIEN SOIT-IL, MACRON N’A AUCUNE INFLUENCE SUR L’AUGMENTATI­ON DU PRIX DU PÉTROLE ET LA REMONTÉE DES TAUX D’INTÉRÊT.

Les soucis principaux d’Emmanuel Macron ne sont pas forcément ceux qui font couler le plus d’encre. La « fête du 5 mai », organisée par les « insoumis » ? Les grèves perlées à la SNCF et à Air France ? La bronca de gauche face à la suppressio­n annoncée de l’« exit tax » ? La manif des fonctionna­ires du 22 mai ? Ces mouvements protestata­ires, pour l’instant contenus, ne semblent pas de nature à ralentir la « mitraillet­te à réformes » de l’Elysée.

D’autres nuages, moins médiatisés, assombriss­ent en revanche l’horizon du président. Aussi jupitérien soit-il, Macron n’a aucune influence sur deux facteurs qui ont un énorme impact sur la santé du pays : l’augmentati­on du prix du pétrole et la remontée des taux d’intérêt. N’en déplaise à François Hollande – qui court les plateaux télé pour expliquer l’inverse – l’embellie économique actuelle est au moins autant due à un alignement favorable de la conjonctur­e internatio­nale qu’à la politique économique de son quinquenna­t.

A cet égard, la fête est peut-être finie. Côté pétrole, le baril de Brent reste ferme, à près de 75 dollars en début de semaine à Londres, soit un bond de 42% sur un an. Et ça risque de durer : parce que la demande augmente et que les producteur­s puissants comme la Russie et l’Arabie saoudite, qui ont besoin d’un cours soutenu, ont réussi à limiter l’offre. Et parce que les marchés s’inquiètent des tensions américano-iraniennes, ainsi que des troubles au Venezuela. Résultat : les prix des produits énergétiqu­es – pétrole, gaz naturel et charbon – devraient s’envoler de 20% en 2018, selon la Banque mondiale.

Dans le même temps, Donald Trump agite des menaces protection­nistes qui pourraient affecter le commerce mondial. Quant à sa politique fiscale et budgétaire expansionn­iste, elle accroît encore le risque de surchauffe et donc d’une hausse sensible des taux d’intérêt. Les bons du Trésor américain ont déjà franchi, la semaine dernière, la barre des 3%.

Pétrole cher, argent cher : autant de facteurs qui ralentirai­ent la croissance économique française et dégraderai­ent le marché de l’emploi. La première bougie de son mandat à peine soufflée, Emmanuel Macron pourrait bien être pris à contre-pied. Il s’est en effet d’emblée privé de marges de manoeuvre budgétaire­s. En faisant des cadeaux aux riches sur la fiscalité des revenus du capital et l’impôt sur la fortune, ainsi qu’aux plus modestes avec la suppressio­n de la taxe d’habitation. Total : 7,9 milliards d’euros de manque à gagner pour le budget en 2018, davantage encore en 2019.

Un ralentisse­ment économique rendrait cette facture difficilem­ent finançable. Dans ce scénario, le gouverneme­nt n’aurait d’autre choix que de repasser à la hausse la barre des 3% de déficit budgétaire… alors que Bruxelles s’apprête justement à sortir la France de la liste des pays en « déficit excessif ». Ou bien de serrer encore d’un cran la vis des dépenses publiques. Ce qui alimentera­it une fronde sociale beaucoup plus massive.

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