LA SOLITUDE D’EMMANUEL MACRON
L’accueil réservé à Emmanuel Macron par Donald Trump tranche avec le traitement accordé à Angela Merkel ensuite. Le premier a été accueilli avec toutes les pompes d’une visite d’Etat, discours au Congrès, réception en fanfare. La seconde a été reçue en catimini, sans aucune empathie. Tout oppose pourtant Trump et Macron, ce que ce dernier n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler, avec un certain panache, devant le Congrès américain. L’idée d’un ordre multilatéral, ouvert, régi par des règles, défendu par le président français, est à l’opposé de celui voulu par Trump. Leur sympathie ne semble pourtant pas feinte. Les tapes dans le dos à répétition, les « I love this guy » ou le petit brossage de la veste pour chasser les pellicules, ce que le « Guardian » a appelé la « dandruff diplomacy », témoignent à la fois d’un paternalisme ridicule et d’une proximité réelle. Trump et Macron incarnent l’un et l’autre le monde de la post-politique. Tous deux ont accompli « le casse du siècle », prenant le pouvoir par surprise, surfant sur la détestation du monde politique traditionnel. Angela Merkel est à l’autre bout du spectre. Elle a forgé laborieusement un compromis avec l’autre force vieillie de la vie politique allemande, le Parti social-démocrate. Son propre parti, la CDU, la tient en laisse, brisant par avance toute velléité réformatrice.
Les Français auraient tort de se réjouir trop vite de cette différence de traitement. C’est la fragilité de l’Europe que Trump met en scène. Il appuie là où ça fait mal. Les excédents allemands sont en train de prendre des proportions délirantes, atteignant plus de 8% du PIB. La zone euro dispose, de leur fait, d’un excédent de presque 400 milliards d’euros, le triple de l’excédent chinois, et qui est exactement égal, par coïncidence, au déficit américain. Ce faisant, c’est l’Europe dans son ensemble et la France en particulier qui pourraient faire les frais de ce déséquilibre si Trump mettait ses menaces protectionnistes à exécution, ou si l’Amérique engageait une guerre des monnaies qui ferait chuter brutalement la valeur du dollar par rapport à l’euro.
En Europe même, l’étau se resserre autour de Macron. L’Allemagne de Mme Merkel, malgré des regards eux aussi plein de tendresse, s’écarte à vive allure des ambitions françaises. Le budget allemand présenté par le nouveau ministre des Finances, Olaf Scholz, social-démocrate, est plus restrictif que jamais et l’idée d’un budget européen s’éloigne. L’Italie est empêtrée dans une crise politique dont les acteurs sont les partis populistes, très distants de son programme libéral. Le fait central, que sa visite à Washington ne peut masquer, est que le monde va exactement à rebours de celui qui est prôné par Emmanuel Macron. Partout s’installe un pouvoir nationaliste, phobique de la mondialisation et des élites qui la défendent. Macron peut enflammer le Congrès américain ou le Parlement européen par des appels passionnés à un monde multilatéral et ouvert, il est bien seul dans ce rôle. Comme le note l’éditorialiste du « Financial Times » Gideon Rachman, il a des admirateurs, mais pas d’alliés.
C’EST LA FRAGILITÉ DE L’EUROPE QUE DONALD TRUMP MET EN SCÈNE. IL APPUIE LÀ OÙ ÇA FAIT MAL.