L'Obs

Aller simple Château La Coste, la flamme de l’art

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B éret noir, foulard et veste de velours rouge, le chef argentin Francis Mallmann nous parle de cuisine, tout en avalant son café noir devant une toile de Damien Hirst. Face à nous, de larges baies vitrées laissent passer la lumière provençale, avec panorama sur la piscine, les vignes et les trois tours de Louise Bourgeois « I do, I undo, I redo ». Il est 9 heures, et la Villa La Coste s’éveille. Avec ses lignes épurées, ses toits plats végétalisé­s se fondant dans l’environnem­ent, on la devine à peine. Cet hôtel, inauguré il y a un an, au sein du vaste domaine du Château La Coste, n’a rien d’une simple étape. C’est une retraite d’esthètes, un havre de 28 « villas-suites », au coeur de 250 hectares où l’art contempora­in, la gastronomi­e et la nature s’entrecrois­ent dans une partition sans fausses notes.

Dès l’entrée, le ton est donné : bibliothèq­ue emplie de beaux livres d’architectu­re, « table au kilomètre » de Jean Nouvel, luminaires Serge Mouille, bureau Prouvé, fauteuils Royère, canapé George Nelson, buffet Maurizio Cattelan, installati­on du photograph­e JR... Les chambres, toutes de blanc vêtues, possèdent de grandes verrières d’atelier et un mobilier de style industriel qui se marie au bois blond, mélange subtil que l’on retrouve au spa signé par l’architecte hongkongai­s André Fu. Dans un tel cadre, il ne faut pas s’étonner que le chef triplement étoilé du Petit Nice, Gérald Passedat, ait accepté de poser ses casseroles au restaurant Le Louison, cube de verre bordé par un miroir d’eau, dont le nom est un hommage à Louise Bourgeois. Sa célèbre sculpture « The Couple » est d’ailleurs suspendue au coeur de la salle.

A moins d’une heure d’Aixen-Provence, ce domaine viticole propose une offre culturelle unique en Europe. Visite Par DORANE VIGNANDO

Pour parfaire le tableau, le maestro de la cuisine au feu de bois Francis Mallmann, mégastar en Amérique latine, dont les prouesses culinaires s’admirent dans « Chef ’s Table » sur Netflix, a lui aussi choisi La Coste pour ouvrir son premier établissem­ent européen. Dans son bistrot, au milieu des vignes, les betteraves cuisent sous la cendre, le boeuf patiente douze heures pendu au-dessus de la plancha tandis que l’agneau rôtit doucement à côté des braises. « Enfant, j’ai grandi en Patagonie, dans une maison qui vivait au rythme des flammes. C’est une langue très primitive », explique ce sexagénair­e. Une langue culinaire qui a séduit le richissime Patrick McKillen lorsqu’il est venu déguster ses viandes dans son restaurant de Mendoza.

Patrick McKillen, « Paddy » comme on le surnomme ici, est le maître du domaine La Coste. Plus discret qu’un agent secret, ce propriétai­re esthète a racheté en 2004 ce bout de terre provençale viticole (même s’il avoue lui-même n’avoir bu son premier verre qu’à 40 ans !) pour le métamorpho­ser en plus grande galerie d’art à ciel ouvert d’Europe. Si sa bio ne se limite qu’à quelques lignes succinctes sur Wikipédia, on sait que ce magnat d’un vaste empire immobilier est à la tête d’une chaîne d’établissem­ents de luxe – avec notamment le Connaught et le Claridge à Londres –, qu’il a gagné beaucoup d’argent dans une bataille judiciaire face au gouverneme­nt irlandais, et que cet ami de Bono et The Edge du groupe U2 – avec lesquels il a relancé le très rock’n’roll hôtel Clarence à Dublin – vient au domaine au moins une fois par mois. Il a gardé l’ancienne ferme, dans laquelle résident ses parents. Mais la légende de « Paddy » s’est avant tout forgée grâce à sa passion pour l’art contempora­in et grâce à sa proximité avec les plus grands architecte­s (dont de nombreux lauréats du prix Pritzker, le Nobel de l’architectu­re) et artistes du monde entier.

Au commenceme­nt, il a demandé à Jean Nouvel de lui construire sur place une cave moderne pour faire « le meilleur rosé du monde ». Depuis, les dégustatio­ns vont bon train. Autre intérêt du lieu, pouvoir s’égarer dans ce parc paysager où une trentaine d’oeuvres monumental­es jouent à cache-cache entre les arbres: centre d’art dessiné par Tadao Ando, entouré d’un plan d’eau avec « l’Araignée » de Louise Bourgeois et un mobile d’Alexander Calder, kiosque à musique construit par Frank Gehry, anciens chais du xixe restaurés par Jean-Michel Wilmotte et transformé­s en galerie d’art, pavillon de la photo en verre et béton de Renzo Piano… Sans oublier les dizaines d’installati­ons sculptural­es en plein air de Norman Foster, Lee Ufan, Jean-Michel Othoniel, Hiroshi Sugimoto, Richard Serra, Sean Scully, Ai Weiwei, Tracey Emin, Kengo Kuma, en passant par le potager réalisé par l’architecte paysagiste Louis Benech (visite guidée fortement conseillée).

A La Coste, on peut passer deux heures, quatre heures, une journée, une nuit… On déjeune, on s’offre une séance de cinéma en plein air allongé sur l’herbe, on écoute un concert, on parcourt des expos temporaire­s. Toutes les options sont possibles en fonction de son budget. C’est un des intérêts de ce lieu unique où passent plus de 200 000 visiteurs par an et qui propose chaque année des nouveautés. Bientôt, ce sera une école d’oenologie construite par Jean Nouvel, un espace signé par l’architecte Richard Rogers et un autre dessiné par feu Oscar Niemeyer. Egalement en préparatio­n : trois immenses sculptures du pop artiste Tony Berlant et, à partir de cet été, une expo et une oeuvre permanente de Sophie Calle. A La Coste, l’art de vivre, c’est tout un art.

 ??  ?? « DROP » DE TOM SHANNON, UNE DES OEUVRES DISSÉMINÉE­S SUR LES 250 HECTARES DU DOMAINE.
« DROP » DE TOM SHANNON, UNE DES OEUVRES DISSÉMINÉE­S SUR LES 250 HECTARES DU DOMAINE.
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MOBILIER SIGNÉ, VUE SUR LES VIGNES… DÈS LE LOBBY, LE TON EST DONNÉ.
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LES CHAMBRES ET LEUR VERRIÈRE DANS LE STYLE ATELIER D’ARTISTE.

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