L'Obs

“LE CORAN NE SE CONTENTE PAS DE REPRENDRE DES CONTENUS BIBLIQUES, IL LES RETOURNE CONTRE CEUX CHEZ QUI IL LES A PRIS.”

- DANIEL SIBONY philosophe et psychanaly­ste

République. Le droit des Français qui sont musulmans est le droit français. C’est dans ce cadre qu’ils doivent interpréte­r et pratiquer les enseigneme­nts de leur religion et y inscrire leur éthique. Les musulmans ne sont pas une communauté « à part » : ne communauta­risons pas la délinquanc­e et les crimes. Un délit, quelle que soit sa nature ou sa justificat­ion, n’incombe qu’à celui qui le commet et non à sa communauté religieuse. Le droit français ne connaît pas de « peine collective ». Il ne reconnaît pas de communauté­s mais des individus, des citoyens. Daniel Sibony En fait, le Coran ne lance pas d’appels au meurtre, mais des appels à la guerre sainte ; il ne veut nuire à personne, il veut juste amener tout le monde à la « vraie religion ». Etendre l’islam, c’est étendre « la paix », les deux mots ont la même racine. C’est une croyance qui est bonne pour ses croyants, mais ce n’est pas la nôtre, où est le mal? Et ce pays, en principe laïque, a de quoi s’en protéger. En tout cas, contrairem­ent à ce que réclame la tribune des trente « imams indignés », il ne faut pas donner plus de pouvoir et de moyens à ceux qui nient l’existence de cette vindicte tout en l’enseignant. Ces imams en sont encore à : « La violence au nom de l’islam n’a rien à voir avec l’islam. » Curieuseme­nt, pour le démontrer, la phrase qu’ils citent de Mahomet, et qui n’est pas tirée du Coran (mais des Hadiths, recueils de paroles plus circonstan­cielles) va à l’encontre de leur propos : elle condamne « un musulman qui tue une personne innocente vivant en paix avec les musulmans ». Mais qui décide de l’innocence? C’est l’instance islamique. Comme il est écrit (sourate III, v. 110) : « Vous êtes la meilleure communauté apparue parmi les humains, vous ordonnez ce qui convient, vous interdisez ce qui est blâmable. » L’autre condition, portant sur le fait de vivre « en paix », signifie que cette personne ne contrarie pas l’expansion de l’islam en tant que religion de paix. Sans ces deux conditions, on peut la tuer. Cela rappelle un autre verset du Coran : « Ne tuez pas l’homme qu’Allah a sacré, sauf pour une cause juste. » (sourate XVII, v. 33) Les djihadiste­s s’en réclament. On comprend que ces imams proposent un marché : échanger une plus grande vigilance antiterror­iste contre une plus grande diffusion de l’islam (et être les seuls habilités à en parler, preuve que cet enseigneme­nt leur échappe). Or le plus gros problème n’est pas le terrorisme, c’est la diffusion de textes religieux porteurs de haine, diffusion qui se fait sous le signe de la paix et du « pas de problème ». Le Coran a beaucoup emprunté à la Bible. Parfois même la reprise se fait mot à mot. La violence contenue dans la Bible n’est-elle pas aussi grande que dans le Coran ? Le Coran n’est pas le seul livre saint qui appelle au combat contre les autres… Daniel Sibony Le Coran ne se contente pas de reprendre des contenus bibliques, il les retourne contre ceux chez qui il les a pris. Et ce retourneme­nt a une valeur stratégiqu­e : pour s’approprier ces contenus, il faut qu’il paraisse les leur arracher, d’où la vindicte radicale. C’est ce qui le distingue des deux messages antérieurs, juif et chrétien. Mais quand cette belle constructi­on se transporte en Europe, cela pose de vrais problèmes, qui vont au-delà du terrorisme. Un des problèmes, c’est que la diffusion de l’islam normal, régulier, transmet telle quelle cette vindicte. Et lorsqu’il y a un effet de groupe, dans une école ou un quartier, elle s’exprime. On ne peut pas en vouloir aux jeunes qui l’ont reçue de ne pas savoir la refouler. Quant à la Bible, elle contient beaucoup de violence, notamment guerrière, pour la conquête de la petite Terre promise. Elle contient de la violence mentale, aussi : « Ne convoite pas la femme de ton prochain. » Mais il n’y a pas dans la Bible d’appel à combattre les autres jusqu’à ce qu’ils deviennent juifs. Dans l’Evangile non plus. Et même si, plus tard, l’Eglise s’est livrée à un prosélytis­me violent, cela ne venait pas du texte fondateur. Tareq Oubrou Il faut lire le Coran comme le Nouveau Testament. Quand Jésus dit : « Je ne suis pas venu vous apporter la paix mais l’épée », par exemple, cela ne signifie pas qu’il faille imposer la foi chrétienne par la coercition. C’est encore moins un appel au meurtre. Toute religion ou toute communauté religieuse naissante provoque un certain trouble dans le paysage des croyances en place et crée souvent à son égard une aversion, voire une violence de la part des fidèles des autres religions établies. C’est ce qui explique la parole de Jésus, qui n’est qu’un appel à la légitime défense. Même chose pour le Coran. La différence, c’est que Mahomet a vécu plus longtemps que Jésus et qu’il a pu constituer une armée pour se défendre.

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L’ange Gabriel apparaît à Mahomet venu se recueillir sur le mont Hira lors d’une bataille. Miniature extraite d’un manuscrit turc du siècle.
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