“LES PASSAGES DANS LESQUELS LE PROPHÈTE MET EN GARDE CONTRE LE FAIT D’IMPOSER SA RELIGION AUX AUTRES NE MANQUENT PAS.”
Que faire alors? Doit-on frapper d’obsolescence les passages de haine du Coran, comme le réclame le manifeste des 300 personnalités? Certains ont d’ailleurs déjà adopté cette démarche. Ainsi Rachid Benzine dans « le Coran expliqué aux jeunes » traduit « tuezles » (uqtoulou) [les juifs] par « combattez-les » (qatilou)… Daniel Sibony Je ne crois pas qu’on puisse demander à des croyants de « déclarer obsolètes » des passages de leur texte sacré. D’abord, ils seraient trop nombreux. Dans mon livre « Coran et Bible », je montre que même des passages paisibles du Coran sont tournés contre les « gens du Livre », juifs et chrétiens, accusés de les trahir. Même la petite sourate I, qui est une prière quotidienne se termine par : « Guide-nous dans le droit chemin, le chemin de ceux que Tu as comblés de faveurs, non de ceux qui ont encouru Ta colère, ni des égarés. » Ceux qui savent lire apprennent dès la sourate II que les « égarés », qui méritent la colère d’Allah, incluent principalement les « gens du Livre ». Ramener cette vindicte divine à des circonstances d’époque, tout en priant avec, c’est une dure contradiction. Ce que j’analyse, c’est toute une stratégie textuelle, une stratégie assez géniale et victorieuse dans son espace, le monde musulman. Il s’agit tout juste de faire en sorte qu’elle ne le soit pas ici, en Europe. A vrai dire, je n’ai pas de critique à faire aux musulmans : ils suivent leur religion, chacun à sa façon, y compris les radicaux. C’est plutôt la France qui m’inquiète : j’analyse le déni de ses dirigeants, qui oscillent entre faiblesse et perversion ; leur peur d’appliquer la loi dont le minimum est d’interdire l’incitation à la haine, même en langage religieux. C’est la peur qu’ont les responsables qui est inquiétante et non l’islam, qui est ce qu’il est, c’est-à-dire essentiellement « totalisant ». Tareq Oubrou Apparemment Daniel Sibony comprend mieux le Coran que moi. En réalité, chacun projette sur le Coran une partie de ce qu’il est et de ce qu’il a vécu. C’est normal. Cela dit, on a le droit de critiquer l’islam et de trouver que le Coran est un texte « totalisant » pour ne pas dire totalitaire, qu’il contient un projet rusé, etc. Dire que cela relève de l’islamophobie, pour moi, c’est n’importe quoi. Les gens ne sont pas obligés d’aimer l’islam. Et si le Coran est sacré, il ne l’est que pour ceux qui y croient. C’est un droit que le Coran donne aux hommes : « Que celui qui veut croire, qu’il croie, et que celui qui ne veut pas croire, alors qu’il ne croie pas. » Les passages dans lesquels le Prophète met en garde contre le fait d’imposer sa religion aux autres ne manquent pas. La foi ne s’impose pas. Il y a une liberté de critiquer l’islam, garantie par la République, tant qu’il n’y a pas un appel à la haine et à la violence contre les croyants. Ce que je reproche à la tribune des 300, ce n’est pas l’intention, mais la formulation. Si l’on accuse l’islam d’être théologiquement, coraniquement, ontologiquement antisémite, il n’y a plus rien à dire. On ne peut demander aux musulmans de trahir ce qui fait d’eux des musulmans, le Coran, comme le dit Sibony à juste titre. Mais il devrait savoir que les textes sacrés ne parlent pas d’eux-mêmes : ce sont les hommes qui les font parler. Et comme les musulmans ne sont pas tous mauvais, il n’est pas exclu qu’ils interprètent les textes dans le sens de la paix… Daniel Sibony tient un discours symétrique à celui que j’entends chez certains musulmans cultivant une vision essentialiste du juif. Cette interprétation des textes, qui veut démontrer l’existence d’un « antisémitisme intrinsèquement musulman », je la dénonce et la condamne.