L'Obs

Vive l’Aubrac

LE POMMIER D’ANAÏS, PAR NICOLE LOMBARD, LE BON ALBERT, 166 P., 16 EUROS.

- JÉRÔME GARCIN

Les livres de Nicole Lombard, qu’elle publie à Nasbinals, dans ses modestes Editions du Bon Albert, ne paient pas de mine. Mais, sous des couverture­s rudimentai­res en papier recyclé et au gré d’une typographi­e sommaire, on trouve ce trésor : la prose gourmande, pastorale et schisteuse d’une Colette de l’Aubrac, d’une Sue Hubbel du Gévaudan. Depuis vingt-cinq ans, cette hussarde sur le toit, à 1 200 mètres d’altitude, raconte sa vie libre au fil des saisons, dans des récits allègres et insolents. On peut ainsi lire « le Pommier d’Anaïs » comme la suite musicale du « Cheval d’Angelo », d’« Etrangers sur l’Aubrac » et des « Affrontail­les ». Il s’agit toujours, pour elle, de nous donner de ses nouvelles. Elles sont bonnes. Nicole Lombard est encore amoureuse de ce pays austère et rigoureux qu’elle a épousé au début des années 1990, après avoir quitté Marseille, où elle enseignait l’italien, et puis le Gard, où la chaleur était trop pesante. Elle continue de trouver aux trois syllabes de Nasbinals une allégresse qui a, selon elle, les reflets roses de l’oseille en fleur. Sur sa lande, elle ne se lasse pas d’enrichir son massif de pivoines avec de la « terre à taupes » et de donner des feuilles de thé vert à ses roses trémières. Elle rend même grâce au terrible hiver de lui offrir des ciels incomparab­les et des couchers de soleil incandesce­nts. Chaque jour, elle rend visite aux vaches, aux chevaux et à ses auteurs de prédilecti­on, Giono, Jaccottet, Thoreau, Bosco, Vialatte ou Gracq, lequel écrivait de l’Aubrac : « Il faut si peu pour vivre ici. » Une phrase qu’elle traduit à sa manière, dénonçant « l’inutilité de ce dont on est amené à s’encombrer dans les villes, tout le fatras idéologiqu­e, le tintamarre soidisant culturel qui change avec les modes ». Pas trace de ce tintamarre dans les chroniques d’une « optimiste contrariée », à qui la soupe d’orties et la reinetille de Villecomta­l – une petite pomme du Rouergue très parfumée – tiennent lieu d’énergisant­s, et dont le bonheur simple consiste à mettre ses pas « dans les pas de ceux qui ont vécu avant moi sur ce coin de terre ». Une terre haute, où jamais elle ne pense bas.

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