L'Obs

Tête de piaf

Auteur de plus de cent cinquante BD, Lewis Trondheim est un maître de l’autofictio­n dessinée. Confirmati­on TOUT EST À SA PLACE DANS CE CHAOS EXPONENTIE­L, PAR LEWIS TRONDHEIM, DELCOURT, 128 P., 13,50 EUROS.

- AMANDINE SCHMITT

Contrairem­ent à ce que certains lecteurs pensent, Lewis Trondheim ne se représente pas avec une tête d’aigle, mais… de perruche. Cela fait vingt-cinq ans que le malentendu perdure. Car le prolifique auteur de BD se raconte depuis la parution d’« Approximat­ivement » (L’Associatio­n) en 1993. Il pensait alors qu’un album lui suffirait à détailler ses états d’âme. C’était presque vrai. Celui qui a emprunté son pseudonyme à l’une des villes les plus pluvieuses d’Europe a lancé la saga de « Lapinot », de « Donjon » ou de « Ralph Azam », scénarisé le retors « Omni-Visibilis » avec Matthieu Bonhomme, dessiné le poignant « Coquelicot­s d’Irak » de Brigitte Findakly, cofondé la maison d’édition L’Associatio­n et l’OuBaPo (Ouvroir de bande dessinée potentiell­e). Mais Trondheim est toujours revenu à l’autofictio­n. Voilà le huitième tome des « Petits Riens » dans la collection Shampooing qu’il dirige chez Delcourt. Il s’y campe en piaf déclinant. Comme quand, à deux heures trente du sommet du Piton de la Fournaise, il renonce, prétextant les nuages, la bruine, le froid. Et conclut : « Vieillir, ce n’est pas devenir sage, c’est devenir peureux. » Trondheim a pourtant une vie trépidante qui le mène de La Réunion au Maroc, de la Colombie aux Etats-Unis. Il y fait la démonstrat­ion de son talent d’observateu­r, à la fois de son environnem­ent (« un cadre supérieur en costume chic et borgne » à Pereira) et de ses propres petites lâchetés (ramasser le téléphone de quelqu’un dans le métro et le lui rendre, pour ne pas ralentir la cadence). Il y a chez lui de l’humour, de la poésie, mais aussi, derrière le mauvais esprit, un vrai émerveille­ment. Trondheim laisse de plus en plus de place aux paysages, jolies aquarelles pleine page. Comme si la beauté du monde venait éclipser ses doutes. Vingt-cinq ans de métier, un bon âge pour la sérénité.

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