L'Obs

Ensemble, c’est tout

COUPLES MODERNES, 1900-1950. CENTRE POMPIDOU-METZ ; WWW.CENTREPOMP­IDOU-METZ.FR JUSQU’AU 20 AOÛT. CATALOGUE SOUS LA DIRECTION D’EMMA LAVIGNE, GALLIMARD/CENTRE POMPIDOU, 432 P., 49 EUROS.

- BERNARD GÉNIÈS

C’est un récit que l’on commence à peine à écrire. Epouses, maîtresses, compagnes, amies : les femmes qui ont vécu aux côtés des artistes de l’époque moderne ne doivent bien souvent leur place dans l’histoire de l’art qu’à ces seuls titres ou qualités. Le voile pourtant se déchire peu à peu : après « Féminin - Masculin, le sexe de l’art », en 1995, puis « Elles@centrepomp­idou », en 2009 – deux expos au Centre Pompidou, à Paris –, voici venu le temps des « Couples ». L’exposition est au format XXL : deux niveaux de présentati­on, près de 700 oeuvres et documents. Le tout traversé par le souffle de ces grand-messes pluridisci­plinaires qui firent la légende de Beaubourg. Contrairem­ent à ce que pourrait laisser entendre le titre de l’événement, l’affaire n’est pas simple. Le destin artistique de la trentaine de couples (ou quelquefoi­s « trios ») qui est évoqué ici peine à s’inscrire dans un schéma figé. Plusieurs sont célèbres, ainsi Dora Maar et Picasso, Robert et Sonia Delaunay, Frida Kahlo et Diego Rivera, Anni et Josef Albers, Dorothea Tanning et Max Ernst. D’autres sont plus ténébreux : on connaît le designer et architecte finlandais Alvar Aalto mais qui se souvient de son épouse Aino, elle aussi architecte et designer? En Europe, si le nom du photograph­e Alfred Stieglitz est connu, que dire de celui de son épouse, la peintre Georgia O’Keeffe dont le Musée national d’Art moderne ne possède qu’un seul tableau (exposé à Metz) ? S’agit-il de réhabilite­r les femmes écrasées par la gloire des hommes? Emma Lavigne, directrice du centre Pompidou-Metz et l’une des commissair­es de l’expo, préfère parler de la « porosité » qui se fait jour entre eux, des échanges qui s’instaurent. L’un ne va pas sans l’autre. Pourtant, à l’exception de quelques-uns, comme Jean Arp et Sophie Taeuber-Arp qui signent à quatre mains leur « Symétrie pathétique », la plupart de ces duos – malgré leur complicité, leur amour parfois – font cavalier (ou cavalière) solitaire. La force de l’art tient aussi à l’affirmatio­n de l’individual­isme. Brillante et féconde, cette grande réunion féminin/masculin, même si elle refuse de jouer sur le terrain de la polémique, n’en ressuscite pas moins des destins contrariés. Ces femmes-là pourtant étaient des artistes. Au cas où on l’aurait oublié : elles le restent.

 ??  ?? Jean Arp, « Anonyme, Jean Arp avec monocle-nombril », circa 1922. Nic Aluf, « Sophie Taeuber-Arp avec tête Dada », 1920.
Jean Arp, « Anonyme, Jean Arp avec monocle-nombril », circa 1922. Nic Aluf, « Sophie Taeuber-Arp avec tête Dada », 1920.

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