L'Obs

La société sans spectacle

TERTULLIEN, D’APRÈS « DE SPECTACULI­S ». POCHE-MONTPARNAS­SE, PARIS-6E, 01-45-44-50-21, 21 HEURES. JUSQU’AU 20 MAI.

- JACQUES NERSON

De la vie de Quintus Septimius Florens Tertullian­us, dit Tertullien, on sait peu de chose, presque rien, sinon qu’il est né à Carthage entre 150 et 160 apr. J.-C., et qu’il y est mort aux alentours de 220. Après sa conversion au christiani­sme, ce Berbère romanisé a rédigé une foule de traités de théologie. Sans doute l’Eglise l’aurait-elle depuis longtemps canonisé s’il n’avait eu la mauvaise idée de tomber en hérésie à la fin de ses jours en adhérant à la doctrine du montanisme – que nous n’allons pas résumer ici. Pourquoi parler de Tertullien? Parce que le cher homme s’est hautement prononcé contre le théâtre. Seul divertisse­ment permis au chrétien, « l’admirable et prochain spectacle de l’avènement du Seigneur ». Hervé Briaux a décidé qu’il ne l’emporterai­t pas au paradis. Sa vengeance consiste à nous lire « De Spectaculi­s » d’un air sévère, voire méchant. Il y aurait plus et mieux à dire sur la relation conflictue­lle que les chrétiens entretienn­ent avec le théâtre. A se demander s’ils n’en sont pas un peu jaloux. On pense ici à François Mauriac comparant la face de l’acteur sortant de scène à un masque mortuaire : même absence d’expression pendant un court laps de temps. Le chrétien n’envierait-il pas à l’histrion cette faculté de faire le vide en soi, recherchée par les mystiques ? Le spectacle en solo d’Hervé Briaux a du succès. Il est pourtant bien monotone. A l’image des sinistres croassemen­ts de Tertullien.

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