L'Obs

Aller simple

Au large de Granville, l’archipel normand de Chausey, dans la Manche, compte entre 52 à 365 îles selon la hauteur de la mer. Unique!

- ANNE-MARIE CATTELAIN-LE DÛ Par

Chausey, la sauvage

I ls ne sont plus qu’une dizaine d’habitants à vivre ici à l’année, accrochés à leur rocher comme des berniques. Aucun commerce, hormis une épicerie-boulangeri­e-tabac-presse. Pas d’école, pas de mairie, plus de curé, plus de fermier. Pas de routes, pas de voitures, pas de vélos. La mer règne en maîtresse absolue aux caprices imprévisib­les mais aux généreux bienfaits. Ses marées ont sculpté un paysage rare et attirent une faune invraisemb­lable, des oiseaux marins aux phoques et dauphins, en passant par les homards bleus, les bouquets roses, les crevettes grises et les ormeaux nacrés.

Débarquer, venant de Granville, après une navigation parfois houleuse, dans le Sound, chenal naturel que Jean-François Deniau, écrivain et ministre, qualifiait de « plus beau mouillage de la planète océane après Bora Bora », chahute les sens. Parfums de lande iodée, couleurs lavées du ciel et de la terre, lumière qu’aucune pollution ne voile. On comprend pourquoi Marin-Marie, navigateur au long cours, peintre officiel de la Marine, y affûta ses pinceaux. Son fils Yves dessina, lui, les vitraux de la chapelle à laquelle on accède par un chemin serpentant entre genêts et ajoncs et découvrant le large. Au-dessus de l’autel Louis XIV se balancent deux maquettes de voiliers, en guise d’ex-voto. Pour apprécier l’atmosphère de Chausey, pousser sa bichette à cornes (grand filet), chatouille­r le bar, louvoyer entre les bancs de sable, il faut y séjourner deux ou trois jours. La nuit, on savoure le silence troué par le cri discordant des mouettes et des goélands. A l’aube, on guette le soleil du côté de la baie du Mont-SaintMiche­l. Dans la journée, carte marine en main, on tente de localiser les rochers baptisés par les pêcheurs de noms évocateurs: Pissou, Pucelle, Dormeur, Bouillon, Eléphant, Moines…

D’avril à la fin septembre, l’hôtel du Fort et des Iles, propriété depuis 1928 de la même famille, propose ses huit chambres coquettes, style cabine de bateau, en demi-pension (à partir de 118 €) et dans son restaurant avec vue sur le large, des menus entre 29 et 79 € avec, en majesté, le homard de Chausey. Hors saison, on jette son dévolu sur les gîtes de la Ferme de Chausey (à partir de 178 € le week-end, et 410 € la semaine, 02-33-90-90-53) ou sur l’un des six gîtes communaux accueillan­t de 4 à 7 personnes (à partir de 132 € le week-end, gitedechau­sey@ ville-granville). Sinon, faute de place, on peut loger à Granville, commune dont dépend l’archipel. Mais, foi de Normande qui arpenta en toutes saisons Chausey, sous le soleil ou les nuages, aux marées d’équinoxe ou par nouvelle lune, on ne quitte ces îles quasi oubliées qu’avec l’envie chevillée au corps d’y jeter l’ancre plus qu’une poignée de jours.

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