L'Obs

“Rocky”, suite et fin?

CREED II, PAR STEVEN CAPLE JR. DRAME AMÉRICAIN, AVEC MICHAEL B. JORDAN, SYLVESTER STALLONE, TESSA THOMPSON (2H10).

- NICOLAS SCHALLER

C’est l’histoire d’un petit prolo issu de l’immigratio­n italienne devenu une icône du rêve américain. A l’écran, il boxe et se prénomme Rocky. A la ville, il est acteur et s’appelle Stallone. Combien de personnage­s mythiques du cinéma ont-ils à ce point fait corps avec leur interprète, épousé les hauts et les bas de sa carrière? Rocky a incarné l’école de la rue (« Rocky »), la revanche des losers (« Rocky 2 »), ces thèmes ancrés dans le Nouvel Hollywood des années 1970, avant de virer guignol des rings (« Rocky 3 ») et suppôt aux dents blanches du nanar patriotiqu­e (« Rocky 4 ») sous Reagan. Aujourd’hui, il a plus de leçons à donner que de coups à prendre. C’est ce qu’avait compris Ryan Coogler qui, dans le premier « Creed », reléguait Rocky au second plan pour en faire l’entraîneur et mentor d’Adonis Creed, un gosse de riche revêche, fils de son ex-acolyte Apollo Creed. Contre toute attente, « Creed » se révélait être le meilleur film de la saga, avec les deux premiers « Rocky ». « Creed II » prolonge la formule. Champion du monde des poids lourds, Adonis Creed apprend qu’il va devenir papa quand il est sollicité par un promoteur pour affronter le fils de Drago, la machine à boxer soviétique qui, dans « Rocky 4 », tuait son père lors d’un match d’exhibition. Ainsi, Stallone, coauteur du scénario, perpétue la mythologie en mieux, joue la carte de la nostalgie via le retour touchant de Dolph Lundgren/Drago (dont on découvre l’origine ukrainienn­e) et celui de Brigit Nielsen en marâtre poutinienn­e, rescapés de l’épisode le plus risible de la saga où Rocky mettait quasiment fin à la guerre froide. Rien de tel ici : le héros ne combat plus pour son pays, il est noir et il est fier. Fuck Trump, ou presque! « Creed II » est un film sur la figure du père, absent, en devenir ou de substituti­on. Un mélo sportif au premier degré peu finaud mais bienvenu. Creed est campé par l’excellent Michael B. Jordan (photo), plus convaincan­t que dans le super-héroïque « Black Panther ». La relation qu’il entretient avec sa fiancée (Tessa Thompson), chanteuse malentenda­nte et femme de tête, compte autant que les scènes de combat, dont le réalisme vous scotche à votre fauteuil. Quant à Stallone, comment ne pas être touché par sa fausse modestie de vieux sage qui passe le flambeau mais sort par la petite porte pour qu’on ne voie que lui. C’est, dit-il, son dernier « Rocky ». Avant le prochain.

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