“N’ayons pas peur de la démocratie”
Pourquoi soutenez-vous le référendum d’initiative citoyenne?
Le niveau de défiance à l’égard des institutions est aujourd’hui tel qu’il est inévitable de les redéfinir du sol au plafond. La soif de démocratie s’est cristallisée autour du RIC : pourquoi ne pas l’entendre ? Depuis 2008, on peut organiser des référendums d’« initiative partagée », mais il faut l’assentiment de 185 parlementaires, ce qui les rend, de fait, impossibles. Il faut aller plus loin pour que les citoyens ne puissent plus penser que la vie publique est un spectacle sur lequel ils n’ont aucune prise.
La France insoumise réclame, elle, le référendum « révocatoire », qui permettrait de sanctionner les élus à mi-mandat. Ne risque-t-on pas l’instabilité politique?
Aux yeux des technocrates néolibéraux, le courage politique consiste à prendre des mesures impopulaires. Un comble! Depuis trente ans, ils creusent les inégalités, détruisent l’environnement et assèchent la démocratie tout en prétendant que le peuple est incapable de se projeter dans le temps long. Cela dit, à côté de ce référendum sanction, il faut trouver des mécanismes de propositions pour donner aux citoyens les moyens d’être acteurs de la démocratie.
Les référendums législatifs et abrogatifs pourraient aboutir à une succession de propositions sans cohérence, ou contradictoires : par exemple,
baisser les impôts et augmenter les services publics… Pour l’éviter, il faut créer les conditions d’un débat de qualité. En 2005, la campagne du « non de gauche » au traité constitutionnel européen a permis d’infléchir un vote présenté comme plié d’avance. Mais il est vrai que le référendum est un choix binaire (oui ou non) pris à la majorité. Il ne remplace pas les processus de médiation ni la confrontation entre visions du monde. Le RIC n’est pas la recette miracle. C’est un outil parmi d’autres qui doit s’articuler à l’élaboration d’une VIe République.
Et si une telle consultation remettait en question le mariage homosexuel?
Le RIC ne devrait pas permettre de toucher au socle des droits constitutionnels, qu’il faudra élargir en y incluant les droits des personnes LGBT. Certes, l’état de l’opinion sur certaines questions, comme l’immigration, est préoccupant. Faut-il pour autant craindre le débat? Il faut mener la bataille idéologique pour une politique d’accueil si l’on veut gagner dans les têtes. On ne résoudra pas le problème en le mettant sous le tapis. Sinon, on finira avec Le Pen à l’Elysée. On retrouve dans l’opposition au RIC la méfiance classique envers un peuple qui serait forcément impulsif et réactionnaire. Cela me rappelle les inquiétudes qui ont précédé le droit de vote des femmes : soumises au clergé, elles allaient forcément voter pour les conservateurs. N’ayons pas peur de la démocratie !