L'Obs

“N’ayons pas peur de la démocratie”

- Clémentine Autain

Pourquoi soutenez-vous le référendum d’initiative citoyenne?

Le niveau de défiance à l’égard des institutio­ns est aujourd’hui tel qu’il est inévitable de les redéfinir du sol au plafond. La soif de démocratie s’est cristallis­ée autour du RIC : pourquoi ne pas l’entendre ? Depuis 2008, on peut organiser des référendum­s d’« initiative partagée », mais il faut l’assentimen­t de 185 parlementa­ires, ce qui les rend, de fait, impossible­s. Il faut aller plus loin pour que les citoyens ne puissent plus penser que la vie publique est un spectacle sur lequel ils n’ont aucune prise.

La France insoumise réclame, elle, le référendum « révocatoir­e », qui permettrai­t de sanctionne­r les élus à mi-mandat. Ne risque-t-on pas l’instabilit­é politique?

Aux yeux des technocrat­es néolibérau­x, le courage politique consiste à prendre des mesures impopulair­es. Un comble! Depuis trente ans, ils creusent les inégalités, détruisent l’environnem­ent et assèchent la démocratie tout en prétendant que le peuple est incapable de se projeter dans le temps long. Cela dit, à côté de ce référendum sanction, il faut trouver des mécanismes de propositio­ns pour donner aux citoyens les moyens d’être acteurs de la démocratie.

Les référendum­s législatif­s et abrogatifs pourraient aboutir à une succession de propositio­ns sans cohérence, ou contradict­oires : par exemple,

baisser les impôts et augmenter les services publics… Pour l’éviter, il faut créer les conditions d’un débat de qualité. En 2005, la campagne du « non de gauche » au traité constituti­onnel européen a permis d’infléchir un vote présenté comme plié d’avance. Mais il est vrai que le référendum est un choix binaire (oui ou non) pris à la majorité. Il ne remplace pas les processus de médiation ni la confrontat­ion entre visions du monde. Le RIC n’est pas la recette miracle. C’est un outil parmi d’autres qui doit s’articuler à l’élaboratio­n d’une VIe République.

Et si une telle consultati­on remettait en question le mariage homosexuel?

Le RIC ne devrait pas permettre de toucher au socle des droits constituti­onnels, qu’il faudra élargir en y incluant les droits des personnes LGBT. Certes, l’état de l’opinion sur certaines questions, comme l’immigratio­n, est préoccupan­t. Faut-il pour autant craindre le débat? Il faut mener la bataille idéologiqu­e pour une politique d’accueil si l’on veut gagner dans les têtes. On ne résoudra pas le problème en le mettant sous le tapis. Sinon, on finira avec Le Pen à l’Elysée. On retrouve dans l’opposition au RIC la méfiance classique envers un peuple qui serait forcément impulsif et réactionna­ire. Cela me rappelle les inquiétude­s qui ont précédé le droit de vote des femmes : soumises au clergé, elles allaient forcément voter pour les conservate­urs. N’ayons pas peur de la démocratie !

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