L'Obs

Les lundis de Delfeil de Ton. Les mots croisés

Où l’on voit que pas pour tout le monde

-

Paris s’embellit tous les jours et voici que rouvre (façon de parler) la prison de la Santé entièremen­t rénovée. Tout y respire le presque luxe, le presque calme, la volupté. Huit cents places, et déjà 1200 pensionnai­res sont prévus. C’est dire si l’établissem­ent est couru. Aussi est-il désormais réservé aux habitants de Paris, y ayant leur domicile ou bien sans-logis recueillis à Paris par une associatio­n parisienne d’aide aux miséreux. La Santé, adresse prestigieu­se et voilà qui ne va pas réduire la fracture entre le centre et la périphérie. Arrière, peuple hors-les-murs, le confort derrière nos murailles pénitentia­ires n’est pas pour toi. Même si je suis de Neuilly? Même si. De Neuilly-sur-Seine ? Oui, pour Neuilly-sur-Seine, la prison est à Nanterre. Mais je ne vais jamais à Nanterre, mes amis, mes a aires, mes plaisirs sont à Paris. Vous votez à Paris ? Ah non, je vote à Neuilly. Neuilly, en ce cas, c’est Nanterre on vous l’a dit, la Santé c’est pour les Parisiens. Je me plaindrai, j’ai des relations, je veux bien aller en prison mais on ne se fichera pas de moi comme ça : Nanterre, on aura tout vu, pourquoi pas Bobigny ?

Jusque dans nos régions, la justice se modernise. A Lyon, lisait-on dans « le Monde », des visio-audiences étaient prévues pour être inaugurées en ce début d’année. Il s’agissait de juger à distance les recours de demandeurs d’asile, déboutés dans les départemen­ts du ressort du tribunal administra­tif lyonnais. Cette technologi­e, était-il fait valoir, ne peut que faciliter la vie des justiciabl­es en leur épargnant de coûteux déplacemen­ts. Les avocats s’y sont pourtant opposés. Ce type d’audience ne leur dit rien qui vaille, à nous non plus. Ce serait mettre le doigt dans l’engrenage d’une justice rendue au rabais. Visio-audience ! On commence par les demandeurs d’asile, ensuite tout le monde. Ou alors, et qu’on veuille vraiment nous épargner les frais de transport, que la visioaudie­nce se passe à domicile. Puisqu’il n’y aura plus de décorum judiciaire, qu’on fasse ça à la bonne franquette. Comparutio­n en pantoufles devant le tribunal, un oeil sur l’écran où est le juge, l’autre sur la télé où passe la série préférée. Reprendre un coup de jaja en cas de di culté. Le juge aussi, dis donc !

Des murs de la Santé au mur de Trump, il n’y a qu’un pas à faire, fût-ce en passant par Lyon. Le gaillard s’entête. Si les Démocrates l’empêchent de construire ses milliers de kilomètres de mur à la frontière mexicaine, il bloquera les budgets fédéraux aussi longtemps qu’ils n’y auront pas renoncé. Des amis proches, jugeant qu’il n’est pas raisonnabl­e de fermer les administra­tions du gouverneme­nt fédéral, le pressent de se contenter d’un grillage. C’est e cace, un grillage, plus di cile à escalader qu’un mur. Trump se moque d’eux : un grillage, rien de plus facile pour le migrant que d’y faire un trou. Facile, répondent-ils, mais un mur, on ne repère le migrant qu’une fois qu’il l’a escaladé. Si on n’est pas tout près, c’est déjà trop tard pour l’attraper. Vu de Paris (où on a la Santé), l’alternativ­e est ridicule. Ce qu’il faut, c’est un mur, un grillage au-dessus. Repéré, le migrant n’a pas le temps de trouer et l’Amérique est sauvée.

Poutine aussi a ses soucis. L’ivoire des éléphants étant interdit de commerce par accord mondial, c’est une ruée en Sibérie vers les défenses de mammouth pour nourrir le marché chinois. Ces vestiges préhistori­ques sont le plus souvent déterrés sans précaution et, si les exportatio­ns légales se montent à quelques dizaines de tonnes annuelleme­nt, pour des réserves estimées à 500 000 tonnes, de leur côté les contreband­iers présentent leurs arguments. Jeune lecteur, entraîne-toi pour le bac avec ce propos de Prokopi Novogovits­yne rapporté par l’AFP : « Nos squelettes morts sauvent des éléphants vivants. » Expliquer, disputer.

Un coup de jaja en cas de difficulté.

Newspapers in French

Newspapers from France