Les lundis de Delfeil de Ton. Les mots croisés
Où l’on voit que rien ne change. Sauf, de place, les statues
Ils sont ados, ils sont insupportables. Pas tous insupportables mais quelques-uns. De toute éternité, il a bien fallu les supporter. Jouer au plus malin avec eux pour les empêcher de trop nuire à l’ordre adulte. Dans les classes aisées, les choses s’arrangent entre gens de bonne compagnie. Chez les classes peu favorisées, les choses se compliquent. On aide les parents puis, quelquefois, les enfants ont des comportements malvenus au collège, au lycée. Le ministère de l’Education, à leur sujet, prépare un de ces plans dont on sait d’avance qu’ils ne servent à rien mais il faut bien que les grandes personnes s’occupent et voici que ressort une vieille idée : sanctionner financièrement les parents des enfants violents. C’est le raisonnement selon lequel un peu de misère ne leur ferait pas de mal, à ces familles abritant un petit salopard. Dans le même temps, un ancien élu écolo se rappelle à notre souvenir, pour le cas où nous aurions oublié son nom. Peut-être se propose-t-il de le soumettre une fois encore à notre su rage lors des élections européennes du printemps à venir ? Quoi qu’il en soit, jugeant les humains trop nombreux, son idée, à lui, est de supprimer les allocations familiales à partir du troisième enfant. Elle n’est pas neuve non plus, son idée mais elle a une particularité, par rapport à la précédente concernant les enfants violents, c’est qu’elle vise aussi les doux et les pacifiques. On punirait leur existence. La politique touche là à la métaphysique.
Des nouvelles de Rimbaud. En voilà un jeune qu’il a posé des problèmes. A son époque, les allocations familiales ne tenaient pas la place qu’elles tiennent aujourd’hui, si seulement elles existaient, les aides sociales étaient moins répandues et d’ailleurs sa famille n’en aurait pas eu besoin. Le jeune Arthur n’y aurait pas été éligible, comme on dit dans l’Administration. Il est à Paris, au débouché du pont Sully, toute proche de la bibliothèque de l’Arsenal, une place où se reposer si le sort a voulu que vous ayez eu à remonter le boulevard Morland depuis l’embranchement du canal Saint-Martin avec la Seine, prolongement d’autoroute et comme tel peu favorable à la rêverie et à l’écoute du chant des oiseaux. La lecture du « Parisien » nous apprend que cette place va être transformée. Elle porte le nom de Père-Teilhardde-Chardin. Le jardin public qui va la remplacer portera-t-il le même ? L’article ne le dit pas. On peut imaginer qu’elle conservera son nom et que le jardin en portera un autre, ce qui fera deux méritants honorés. Reste à espérer que les bancs n’y seront pas, une fois de plus, de ces bancs publics que la municipalité aujourd’hui affectionne, sans dossier pour appuyer, devinez quoi, son dos. Mme Hidalgo, notre maire, s’obstine à oublier que nous avons un dos. C’est qu’elle ne voit pas le sien quand elle se regarde dans la glace.
Nous annoncions Rimbaud. Sur la place du Père-Teilhard-de-Chardin se trouvait une statue de Rimbaud. Elle a disparu avec les travaux d’aménagement du jardin. Reviendra-t-elle? « Le Parisien » donne la réponse des autorités. Déplacée sans tambour ni trompette, elle est désormais installée sur l’autre rive de la Seine, dans le square TinoRossi. C’était l’habitude de Rimbaud de disparaître pour surgir dans un endroit inattendu. Rimbaud-Tino, on ne s’y attendait pas. Pour la statue qui nous occupe, allusion au surnom du poète « l’homme aux semelles de vent », le sculpteur l’a représenté coupé en deux, les jambes précédant le buste, et il avait intitulé son oeuvre « l’Homme aux semelles devant ». Trouvez plus spirituel.
Rimbaud. En voilà un jeune qu’il a posé des problèmes.