Sébastien Lecornu
C’est à ce ministre venu de la droite qu’Emmanuel Macron a confié la très délicate mission de coanimer le grand débat national
1 DÉBAT
Après s’être frotté à la fermeture de Fessenheim ou aux chasseurs quand il était secrétaire d’Etat de Nicolas Hulot, voilà le ministre chargé des Collectivités locales promu coanimateur du grand débat national aux côtés d’Emmanuelle Wargon, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire. Combatif, Lecornu a déjà pu mesurer la difficulté de la tâche lorsque, dans les Hautes-Alpes, il a répondu à une dame traitant les CRS de « tueurs » : « Je veux bien débattre, madame, mais si c’est pour dire des choses qui sont fausses… je ne serai pas d’accord. »
2 ASCENSION
L’an passé, un de ses amis déclarait : « Dans deux ans, vous verrez, il sera plus important que Gérard Collomb. Il ira très, très loin. Il est meilleur que Darmanin. » D’abord simple secrétaire d’Etat, Lecornu a été promu ministre auprès de Jacqueline Gourault (Cohésion des territoires). Preuve que cet homme qui a tous les codes de l’ancien monde s’est fait une belle place dans le nouveau.
3 ANCIEN MONDE
A 32 ans, à l’âge où à La République en Marche on crée sa start-up, il a déjà été collaborateur parlementaire, maire, président de département. A le voir serrer la louche à des élus ou dîner avec le préfet, on croirait un vieux baron local. La politique à l’ancienne, ça a désormais du bon dans un gouvernement trop techno. Et le terrain, Lecornu connaît : « Je fais les voeux, les pompiers, les entreprises, ça vaut tous les Ifop. »
4 BÉBÉ “BLM”
Il a poussé dans l’ombre de Bruno Le Maire, mais n’a pas fréquenté les mêmes grandes écoles. Lecornu a fait l’ENA par la formation continue. « C’est l’Etat par le terrain », dit un de ses proches. A 19 ans, il est assistant parlementaire pendant ses études de droit. Le député du coin Franck Gilard le présente à Bruno Le Maire. Lorsqu’il est nommé secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, ce dernier fait de lui le plus jeune conseiller ministériel. Lecornu suivra Le Maire au ministère de l’Agriculture. Une bonne école, là aussi…
5 PRÉCOCITÉ
A 27 ans, il est élu maire de Vernon (25000 habitants), où il a un appartement. Deux ans plus tard, il est le plus jeune président de conseil départemental (Eure). Dans sa ville et son département, où il a passé la main à des proches, il fait encore la pluie et le beau temps.
6 “GÉRALD”
Darmanin, c’est son grand copain. Même génération, mêmes origines populaires, même talent d’imitateur. Et même capacité à trahir, rajoutent certains à droite, dépités de voir ces deux-là passer du jour au lendemain chez Macron… Il partage aussi avec son ami ministre à Bercy le goût des livres. « Quand t’es
fils unique, tu lis », dit-il.
7 ORIGINES
« Les “gilets jaunes”, je viens de là, je vois bien le problème. » Lecornu a des origines modestes. Une mère secrétaire médicale, un père devenu technicien à la Snecma grâce aux cours du soir. Il est passé par un lycée privé à Vernon : « Mes parents se sont saignés pour moi, ils faisaient les comptes pour que ça rentre. » Ils se serrent aussi la ceinture pour lui payer son « 14-mètres carrés rue d’Aboukir » quand il est étudiant en droit à Assas. « J’ai pris pour la première fois l’avion à 21 ans », dit-il aussi. Il le prend souvent depuis…
8 DÉCORATIONS
Il cite par coeur tous les grades de l’ordre du Mérite et de la Légion d’honneur. Une passion depuis tout petit. « Quand il allait devant le monument aux morts, enfant, son grand-père, un résistant, était celui qui avait le plus de décorations », raconte un proche. Lecornu a aussi eu un grand-oncle fusillé par les SS, après avoir été torturé par la Gestapo. « A 7-8 ans, j’assistais à toutes les cérémonies patriotiques. C’est par l’histoire que je suis arrivé à la politique. » Le grand-père paternel, lui, était boucher dans la circonscription de Laurent Fabius.
9 GENDARME
Il est membre de la réserve opérationnelle de la gendarmerie. C’est comme cela qu’il s’est retrouvé commandant de peloton… d’Alexandre Benalla, l’ex-chargé de mission de l’Elysée, originaire de l’Eure comme lui. « J’ai dû l’avoir une dizaine de fois sous mon commandement, en 2012 ou 2013 », a-t-il expliqué au « Monde ».
10 SIÈCLE
Le ministre a déjà été invité au très couru dîner du Siècle (il était parrainé par l’avocat Antoine Gosset-Grainville et par Jean-Pierre Jouyet) où il s’est retrouvé à la table d’Haïm Korsia, grand rabbin de France, et de la compagne de l’homme d’affaires Marc Ladreit de Lacharrière… Du beau monde. A ses heures perdues, le trentenaire entretient aussi ses réseaux en allant rendre visite à Nicolas Sarkozy ou Laurent Fabius, l’ancien patron de la région Normandie.