“C’est le minimum d’une respiration démocratique”
Vous proposiez, en 2017, de permettre l’annulation d’une élection en cas de votes blancs majoritaires. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Le vote blanc est une démarche volontaire, un acte citoyen. Pourquoi ne serait-il pas comptabilisé ? Si le vote blanc arrive en tête d’un second tour à la majorité absolue, il devrait conduire, sous conditions, à l’annulation du scrutin et à son report. Ce serait pour les citoyens un moyen supplémentaire de leur épargner un vote « utile » ou en désespoir de cause. Prise isolément, cette mesure ne répond évidemment pas à la question du déficit démocratique : je ne la conçois que dans le cadre d’un changement profond des institutions. Mais elle est soutenue par beaucoup de Français au nom du bon sens, et me semble à la fois utile et simple à appliquer.
N’y a-t-il pas un risque de blocage des institutions ?
Il peut toujours y avoir des effets pervers qu’on peut tenter de corriger. On parle souvent de la défiance des citoyens envers les responsables politiques, mais aujourd’hui, lorsqu’on parle de réforme des institutions, je suis frappé de voir que ce sont les responsables politiques qui sont dans la méfiance ! Dès qu’on imagine un droit supplémentaire pour les citoyens, on explique qu’ils s’en serviront mal. C’est une tradition française. Depuis la chute de l’Ancien Régime, deux courants s’affrontent : les démocrates, qui défendent le suffrage universel, et ceux qui doutent que le peuple soit suffisamment éclairé pour prendre les bonnes décisions. Je n’ai jamais vu une telle méfiance à l’égard du peuple de la part des élites françaises.
Une telle mesure pourrait-elle participer à faire revenir des électeurs aux urnes ?
Beaucoup de personnes aimeraient voter blanc, mais considèrent que cela ne sert à rien dans les conditions actuelles. Certains diront que des motivations très variées s’abritent derrière le vote blanc, et qu’on ne peut donc pas l’analyser. Mais c’est la même chose pour tous les seconds tours : on ne sonde pas le coeur de chaque électeur pour savoir s’il soutient à 100% le candidat pour qui il vote.
Le vote blanc n’est-il pas une échappatoire vers le non-choix ?
Sans doute. Philosophiquement, le principe d’un vote est de choisir, y compris pour le « moins mauvais choix ». Cette lassitude à voter à contrecoeur est d’ailleurs l’une des explications de l’épuisement démocratique. Etant donné que je ne crois pas au basculement vers une VIe République dans les trois ans qui viennent, cette mesure est une respiration démocratique. Au regard de ce qu’il faudrait faire pour démocratiser nos institutions et le débat politique, ce serait le minimum du minimum. Si on ne fait même pas ça, je crains qu’on ne fasse pas grand-chose.