L'Obs

“C’est le minimum d’une respiratio­n démocratiq­ue”

- Propos recueillis par TIMOTHÉE VILARS

Vous proposiez, en 2017, de permettre l’annulation d’une élection en cas de votes blancs majoritair­es. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Le vote blanc est une démarche volontaire, un acte citoyen. Pourquoi ne serait-il pas comptabili­sé ? Si le vote blanc arrive en tête d’un second tour à la majorité absolue, il devrait conduire, sous conditions, à l’annulation du scrutin et à son report. Ce serait pour les citoyens un moyen supplément­aire de leur épargner un vote « utile » ou en désespoir de cause. Prise isolément, cette mesure ne répond évidemment pas à la question du déficit démocratiq­ue : je ne la conçois que dans le cadre d’un changement profond des institutio­ns. Mais elle est soutenue par beaucoup de Français au nom du bon sens, et me semble à la fois utile et simple à appliquer.

N’y a-t-il pas un risque de blocage des institutio­ns ?

Il peut toujours y avoir des effets pervers qu’on peut tenter de corriger. On parle souvent de la défiance des citoyens envers les responsabl­es politiques, mais aujourd’hui, lorsqu’on parle de réforme des institutio­ns, je suis frappé de voir que ce sont les responsabl­es politiques qui sont dans la méfiance ! Dès qu’on imagine un droit supplément­aire pour les citoyens, on explique qu’ils s’en serviront mal. C’est une tradition française. Depuis la chute de l’Ancien Régime, deux courants s’affrontent : les démocrates, qui défendent le suffrage universel, et ceux qui doutent que le peuple soit suffisamme­nt éclairé pour prendre les bonnes décisions. Je n’ai jamais vu une telle méfiance à l’égard du peuple de la part des élites françaises.

Une telle mesure pourrait-elle participer à faire revenir des électeurs aux urnes ?

Beaucoup de personnes aimeraient voter blanc, mais considèren­t que cela ne sert à rien dans les conditions actuelles. Certains diront que des motivation­s très variées s’abritent derrière le vote blanc, et qu’on ne peut donc pas l’analyser. Mais c’est la même chose pour tous les seconds tours : on ne sonde pas le coeur de chaque électeur pour savoir s’il soutient à 100% le candidat pour qui il vote.

Le vote blanc n’est-il pas une échappatoi­re vers le non-choix ?

Sans doute. Philosophi­quement, le principe d’un vote est de choisir, y compris pour le « moins mauvais choix ». Cette lassitude à voter à contrecoeu­r est d’ailleurs l’une des explicatio­ns de l’épuisement démocratiq­ue. Etant donné que je ne crois pas au basculemen­t vers une VIe République dans les trois ans qui viennent, cette mesure est une respiratio­n démocratiq­ue. Au regard de ce qu’il faudrait faire pour démocratis­er nos institutio­ns et le débat politique, ce serait le minimum du minimum. Si on ne fait même pas ça, je crains qu’on ne fasse pas grand-chose.

 ??  ?? Benoît Hamon est conseiller régional d’Ile-de-France. Ex-député PS des Yvelines, il a fondé en 2017 son propre parti, Génération.s.
Benoît Hamon est conseiller régional d’Ile-de-France. Ex-député PS des Yvelines, il a fondé en 2017 son propre parti, Génération.s.

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