“Le ‘candidat blanc’ n’existe pas !”
Emmanuel Macron envisage une « prise en compte » du vote blanc. Qu’en pensez-vous ?
Il faut d’abord s’interroger sur la nature de cette prise en compte, donc sur la portée du vote blanc. Aujourd’hui, il est déjà comptabilisé – on distingue désormais, très justement, les votes blancs, les votes nuls et l’abstention – mais cela n’affecte pas directement l’issue de l’élection. En revanche, si cette « prise en compte » avait pour effet de bloquer le processus électoral, en empêchant, par exemple dans le cadre d’une élection présidentielle, les deux candidats d’avoir la majorité absolue, la démocratie serait en échec et nous serions dans l’impasse. Il faut le rappeler : le but d’une élection n’est pas de permettre aux citoyens d’exprimer leurs aspirations profondes mais, plus prosaïquement, de désigner les dirigeants de la Cité.
Certains proposent qu’en cas de vote blanc majoritaire, les candidats soient empêchés de se représenter…
Au nom de quoi ? Ce serait manipuler totalement le suffrage des citoyens. Il est absurde d’imaginer que les candidats non élus lors de la première élection seraient, par principe, plus impopulaires que ceux qui prendraient leur suite. En outre, que faire si la prise en compte du vote blanc conduisait une seconde fois à l’élimination des candidats les mieux placés ?
80% des Français se disent en faveur d’une telle mesure. Pourquoi ce plébiscite ?
Je ne suis pas étonné. Le vote blanc a toujours eu ses défenseurs et je ne vois pas pourquoi on le tiendrait pour immoral. Sa popularité croissante n’en est pas moins significative de la puissance grandissante de deux pulsions psychosociales à l’oeuvre dans notre pays : l’égocentrisme et le négativisme. Les partisans de la comptabilisation du vote blanc comme suffrage exprimé feignent d’ignorer que l’exercice du droit de suffrage permet d’assurer un service public : celui de la désignation des responsables de la gouvernance de la France. Le vote blanc est légitime tant qu’il ne porte pas atteinte à l’accomplissement de ce service public. Mais il ne doit pas se transformer en un droit à l’obstruction. La démocratie a ses exigences. Et celle de ne pas bloquer le système n’est pas la moindre. Si l’offre politique ne paraît pas satisfaisante à l’électeur, qui l’empêche de se présenter lui-même ou de se coaliser avec d’autres pour fonder un parti ?
Voter, est-ce être condamné à choisir ?
On peut avoir de bonnes raisons de voter blanc. Personne n’est tenu de choisir, mais le refus de choisir n’est en aucun cas l’équivalent d’un choix. Le « candidat blanc » n’existe pas. On ne saurait donc lui réserver le même traitement qu’aux candidats réels.