L'Obs

“Le ‘candidat blanc’ n’existe pas !”

- Propos recueillis par CAROLE BARJON

Emmanuel Macron envisage une « prise en compte » du vote blanc. Qu’en pensez-vous ?

Il faut d’abord s’interroger sur la nature de cette prise en compte, donc sur la portée du vote blanc. Aujourd’hui, il est déjà comptabili­sé – on distingue désormais, très justement, les votes blancs, les votes nuls et l’abstention – mais cela n’affecte pas directemen­t l’issue de l’élection. En revanche, si cette « prise en compte » avait pour effet de bloquer le processus électoral, en empêchant, par exemple dans le cadre d’une élection présidenti­elle, les deux candidats d’avoir la majorité absolue, la démocratie serait en échec et nous serions dans l’impasse. Il faut le rappeler : le but d’une élection n’est pas de permettre aux citoyens d’exprimer leurs aspiration­s profondes mais, plus prosaïquem­ent, de désigner les dirigeants de la Cité.

Certains proposent qu’en cas de vote blanc majoritair­e, les candidats soient empêchés de se représente­r…

Au nom de quoi ? Ce serait manipuler totalement le suffrage des citoyens. Il est absurde d’imaginer que les candidats non élus lors de la première élection seraient, par principe, plus impopulair­es que ceux qui prendraien­t leur suite. En outre, que faire si la prise en compte du vote blanc conduisait une seconde fois à l’éliminatio­n des candidats les mieux placés ?

80% des Français se disent en faveur d’une telle mesure. Pourquoi ce plébiscite ?

Je ne suis pas étonné. Le vote blanc a toujours eu ses défenseurs et je ne vois pas pourquoi on le tiendrait pour immoral. Sa popularité croissante n’en est pas moins significat­ive de la puissance grandissan­te de deux pulsions psychosoci­ales à l’oeuvre dans notre pays : l’égocentris­me et le négativism­e. Les partisans de la comptabili­sation du vote blanc comme suffrage exprimé feignent d’ignorer que l’exercice du droit de suffrage permet d’assurer un service public : celui de la désignatio­n des responsabl­es de la gouvernanc­e de la France. Le vote blanc est légitime tant qu’il ne porte pas atteinte à l’accompliss­ement de ce service public. Mais il ne doit pas se transforme­r en un droit à l’obstructio­n. La démocratie a ses exigences. Et celle de ne pas bloquer le système n’est pas la moindre. Si l’offre politique ne paraît pas satisfaisa­nte à l’électeur, qui l’empêche de se présenter lui-même ou de se coaliser avec d’autres pour fonder un parti ?

Voter, est-ce être condamné à choisir ?

On peut avoir de bonnes raisons de voter blanc. Personne n’est tenu de choisir, mais le refus de choisir n’est en aucun cas l’équivalent d’un choix. Le « candidat blanc » n’existe pas. On ne saurait donc lui réserver le même traitement qu’aux candidats réels.

 ??  ?? est député MoDem des Hauts-de-Seine. Essayiste, il a notamment publié « Droite année zéro » (Flammarion, 1988) et « Le diable est-il européen ? » (Stock, 1992). Jean-Louis Bourlanges
est député MoDem des Hauts-de-Seine. Essayiste, il a notamment publié « Droite année zéro » (Flammarion, 1988) et « Le diable est-il européen ? » (Stock, 1992). Jean-Louis Bourlanges

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