L'Obs

Hommage à Tomi Ungerer

Auteur de livres jeunesse, caricaturi­ste de presse, dessinateu­r d’ouvrages érotiques, affichiste… L’artiste alsacien laisse une oeuvre prolixe, exposée dans le monde entier

- Par AMANDINE SCHMITT

De Strasbourg au “New York Times” » : c’est ainsi qu’était sous-titrée « Fit to Print » (bon pour impression), une exposition de 2016 au Musée Tomi Ungerer, dans la ville alsacienne. Elle résume le parcours de ce dessinateu­r parti de rien pour finir publié dans le monde entier. Tomi Ungerer est décédé samedi 9 février à l’âge de 87 ans à Cork, en Irlande, au domicile de sa fille Aria. C’était un virtuose du trait, principale­ment connu pour ses livres pour enfants, tendres et drôles, mais à l’oeuvre bien plus diverse – et volontiers piquante.

Il arrivait à Tomi Ungerer de dessiner des maîtresses SM, des grenouille­s en plein Kama-sutra, des végétaux coquins ou des maisons désolées. Mais ce sont ses contes, publiés à L’Ecole des Loisirs et encore très lus aujourd’hui, qui ont assuré sa renommée internatio­nale. En 1961 paraît « les Trois Brigands », l’histoire de vilains messieurs tout de noir vêtus qui évoluent au contact de la petite orpheline Tiffany. « Jean de la Lune » (1966) est un bonhomme à la tête toute ronde qui voyage jusqu’à la Terre en attrapant la queue d’une comète.

Né à Strasbourg dans une famille d’horlogers en 1931, Tomi (de son vrai prénom Jean-Thomas) vit une enfance sombre. Orphelin de père à 3 ans, il subit l’annexion de l’Alsace par l’Allemagne. A l’école, il parle allemand ; avec les copains, il parle alsacien ; à la maison, il parle français. Finalement, sa carrière l’amènera à travailler indifférem­ment en français – teinté d’accent alsacien –, en anglais et en allemand.

Celui qui se définissai­t comme un « sans bachot » s’étant « élevé par la lecture » voit sa carrière lancée en 1956 quand, après ses études à l’Ecole des Arts décoratifs de Strasbourg, il débarque à New York avec, selon la légende, « soixante dollars en poche et une cantine de dessins et de manuscrits ». Il a un visa de six mois, il restera quinze ans. Collaboran­t à « Esquire » ou « Life », ce graphiste, affichiste, illustrate­ur, croque les bourgeois, dénonce la guerre du Vietnam ou la ségrégatio­n raciale. Il fit scandale parfois, il fut bardé de prix.

Resté extrêmemen­t lié à Strasbourg, Tomi Ungerer laisse derrière lui une ville en deuil. Sur les arrêts de tram comme sur les bus, ses dessins sont régulièrem­ent exposés. Depuis samedi, ils roulent un peu moins vite.

 ??  ?? « Sans titre », dessin pour « les Trois Brigands », 1961.
« Sans titre », dessin pour « les Trois Brigands », 1961.
 ??  ?? « Sans titre », dessin inédit pour le livre « The Party », 1966.
« Sans titre », dessin inédit pour le livre « The Party », 1966.
 ??  ?? « Sans titre », dessin pour le livre « Das Kamasutra der Frösche », années 1980.
« Sans titre », dessin pour le livre « Das Kamasutra der Frösche », années 1980.

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